En 2007, "Zodiac" était un excellent long métrage dû au travail du réalisateur David Fincher et à la brillante justesse du script, l'interprétation n'étant quant à elle qu'un bon élément parmi toutes les composantes de l'oeuvre. Jake Gyllenhaal ne soulevait pas l'ensemble serais-je tenté de dire. C'est un très bon acteur parmi de nombreux autres, un de ceux qui ne déçoivent jamais dans le choix de leurs rôles et la justesse de leur jeu. Seulement voilà, Jake Gyllenhaal change radicalement de catégorie lorsque son personnage s'avère être dérangé, cynique, antipathique. Dès lors, il monte d'un cran et devient hors norme, à l'interprétation d'une rare intensité. Ses deux meilleurs rôles avant NIGHT CALL ne sont pas pour rien "Donnie Darko" (2001) et "Jarhead" (2005). Dans NIGHT CALL, il est exceptionnel et pour le coup, forcément, sublime le film qui lui a offert ce cadeau. Un cadeau de rôle avec lequel il s'éclate, et nous avec.
Quand dans les premières secondes le héros surgit de l'obscurité il semble évident que nous allons avoir affaire à un des psychopathes les plus emblématiques du cinéma américain. Lou Bloom est un homme avec enfin un plan pour sa vie et il ira jusqu'au bout quoi qu'il advienne, se transformant en un intense et effrayant prédateur, un être sans aucune conscience ni frontière. Sans morale, il incarne la libre entreprise dans sa forme la plus sombre et la plus froide. Ses échanges avec tout autre personnage ne peuvent pas être autre chose qu'une transaction commerciale. NIGHT CALL est une satire du rêve américain, cet homme héroïque qui construit à partir de rien, mais grâce à un travail acharné, un empire. C'est aussi bien évidemment une critique ironique du climat médiatique, de la manipulation des images et un questionnement sur ce que les (télé)spectateurs veulent vraiment voir aux infos.
Premier long métrage de Dan Gilroy (mari de Rene Russo à la ville dont on comprend mieux la présence très moyenne de la dame ici), NIGHT CALL est un thriller très serré qui joue sur notre rythme cardiaque, qui accélère notre pouls à l'envi grâce à des émotions bien plus visuelles que bavardes, à l'instar du cinéaste Nicolas Winding Refn par exemple. D'ailleurs, la traduction anglophone inutile de NIGHTCRAWLER en NIGHT CALL nous vend un nouveau "Drive". C'est un lien stupide vers le titre phare de la BO de ce dernier. La bande annonce française sous titrée pousse le bouchon encore plus loin en étant montée de la même manière et évoque sans états d'âmes les mêmes producteurs. Pourtant, ce n'est pas un nouveau ni même un différent "Drive" et le ver de la nuit est un terme plus en adéquation avec la forme et la force du propos. La vermine qui se nourrit de la mort...
Passons. Les scènes de nuit sont passionnantes et élégamment mises en lumière, les poursuites sont magistrales et se calent à merveille à l'action narrative posée et très concise. LOS ANGELES fout les jetons comme jamais. Oui, tout ce monde est abjecte et au cinéma, il n'y a pas à dire, c'est terriblement savoureux.