S'il est aisé de se laisser impressionner par "Night Crawler" (évitons le titre "français", crétin), il n'est pas facile de l'aimer et de le défendre ensuite : la démonstration de Dan Gilroy quant à l'abjection croissante des media et aux abimes du cynisme contemporain, pour être efficace, n'en reste pas moins mécanique, souvent redondante, parfois même suspecte quand le film adopte des procédés de suspense finalement pas si différents de ce qu'il dénonce. Gilroy manque d'intelligence et sans doute d'un soupçon d'éthique cinématographique (a-t-il jamais réfléchi au fameux sujet de l'obscénité d'un travelling ?) pour rivaliser avec un Cronenberg ou un Fincher, et ce n'est pas le soin technique apporté aux images ou à la construction de l'atmosphère qui peuvent rattraper la grossièreté de son scénario. Pourtant, il faut absolument voir "Night Crawler" pour une raison qui s'appelle Jake Gyllenhaal : émacié, les yeux exorbités, glacial et glaçant, il incarne d'une manière viscérale "l'homo capitalistus", sociopathe ultime s'étant auto-éduqué sur le Web, maniant brillamment la rhétorique de la réussite dans les affaires, broyant sur son chemin obstacles comme partenaires. Un rôle immense - sans doute équivalent en impact à celui jadis réalisé par Anthony Hopkins pour "le Silence des Agneaux" - qui réussit finalement à conférer au film une profondeur - politique, métaphysique aussi - qu'il n'aurait pas sans lui. [Critique écrite en 2015]

EricDebarnot
7
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le 24 oct. 2015

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Eric BBYoda

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