C'est un Lubitsch au sommet de son art, accompagné de B. Wilder pour le scénario, qui signe Ninotchka, l'une des meilleures comédies qui soit, modèle d'intelligence, de subtilité, d'élégance, de suggestion.
Pas de gags un peu lourdauds donc, à l'inverse de Jeux dangereux (qui selon nous lui est nettement inférieur), mais plutôt une grande finesse dans l'humour déployé, à base principalement de comique de mots (plus que de comique de situation, plus vaudevillesque et reprenant les codes de la farce, plus plébéien), à travers des dialogues remarquables et souvent hilarants où débordent la satire (jamais grotesque), l'ironie mordante, la critique acidulée et amusante, bref la blague qui fait réfléchir – et non pas celle, basique, primitive, simple comme bonjour qui fait enfin dérider une Garbo dont le personnage ressemble à s'y tromper à l'actrice, de tant de froideur mêlé de sensualité.
En plus de cet humour, véritable bijou digne des meilleurs orfèvres du rire, la dimension politique et sociale apporte une richesse notable au tout. En effet, sans jamais vraiment prendre parti pour l'un ou pour l'autre (bien qu'il ait indéniablement un pied du côté capitaliste) c'est-à-dire sans jamais basculer dans un discours manichéen dénué de nuance, Lubitsch pointe pertinemment du doigt les limites de chaque système ainsi que leurs vertus et parvient à faire converger chacun des pôles afin de former un juste milieu (tant géographique que politique), une synthèse parfaite, selon lui, de ses deux modèles contradictoires, le tout en nous faisant franchement rire du début jusqu'à la fin dans ce film au scénario impeccable dont le rythme est parfaitement maîtrisé.
Un chef d’œuvre.