Avec son quatrième long métrage, Pablo Larraín clôt sa magnifique trilogie sur le Chili des années soixante dix et quatre vingt sous l’emprise du dictateur Augusto Pinochet. Ce troisième et dernier film nous expose une campagne publicitaire assez originale : la campagne du No. Pinochet, devant mettre en place un référendum à propos de sa maintenance au pouvoir pour encore plusieurs années, va se faire des ennemis, conduits par un parti opposant extrêmement rusé.

Cette fois ci Pablo Larraín s’entoure d’un grand acteur mexicain du moment, Gael Garcia Bernal (remarquable chez Pedro Almodovar dans La mauvaise éducation, ou encore en Che Guevara chez Walter Salles). Il interprète René Saavedra, le chef publicitaire qui va tenter de rassembler (et de créer) des partisans du No, dans le but de mettre fin au mandat d’Augusto Pinochet. Si l’on connaît déjà le fin mot de l’histoire en entrant dans la salle, le film de Pablo Larraín, possédant des défauts mineurs, parvient à captiver son public et à le faire prendre part lui aussi à la campagne du No. Bien plus qu’une simple démonstration, No entre aussi dans la catégorie de « film témoignage » par la solidité de sa mise en scène et son grand discours sur toute une génération. L’analogie avec un film du mois précédent, Lincoln de Steven Spielberg, peut se faire remarquer : chez Spielberg, nous nous intéressions à la chambre politique, et chez Larraín, c’est la chambre d’un parti politique que nous sommes invités à découvrir.

Larraín a décidé, pour rester dans les tons de l’époque (fin des années quatre vingt), d’ajouter une texture particulière à son image, rappelant la télévision de ces années là (également visible par le format en quatre tiers). La caméra à l’épaule nous fait aussi penser à une caméra de reportage (et donne également un aspect documentaire, incontournable dans ce genre de film). Nous avons constamment l’impression d’être devant un reportage télévisé datant d’il y a vingt ans, et cette touche de réalisme vient renforcer tout notre intérêt pour cette histoire à l’apparence banale, et surtout non écrite à priori pour un long métrage. C’est peut être sur ce point précis que No déçoit : nous ne sommes pas à l’abris de certaines longueurs. Sa mise en scène, au bout d’une heure de film, finit par s’étirer inutilement et alourdit considérablement cette histoire politique, bien que Larraín nous divertisse quand même avec des extraits d’émissions de ces années, particulièrement drôles. Bien plus que de montrer une simple campagne, No souligne également le rôle et la place des « mass medias » dans la société de la fin des années quatre vingt, en adoptant un recul assez juste et pertinent.

Le final est sans doute l’un des meilleurs moments : anti hollywoodien, sans suspense, sans cris de joie soudain, avec un Gael Garcia Bernal pessimiste ne croyant pas à la victoire dans l’immédiat, No ne tombe jamais dans le cliché attendu, et surprend, autant par la simplicité de son scénario que par la justesse du jeu de Gael Garcia Bernal, jamais dans l’excès. Son personnage étant suffisament développé, du fait de la présence de quelques scènes de vie privée avec sa famille. Dans la bonne humeur, Pablo Larraín nous met en lumière une partie de l’histoire politique du Chili assez méconnue en France, en nous offrant une œuvre libre pleine d’humanité, avec un traitement plus ou moins original parfaitement accessible.
Forrest
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le 23 avr. 2013

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