Je me souviendrai toute ma vie des trente secondes qui ont suivies la fin de No Country For Old Men, lorsque je l'avais vu au cinéma. Une fin abrupte accompagnée par une demi minute de silence dans la salle. Personne ne bougeait, non plus. Petit à petit, les gens se sont levés, s'échangeant des regards, mais parlant toujours très peu.
C'est un film très dur, très froid. Calme mais violent. L'utilisation de gros silencieux, d'arme à gaz et l'absence totale de musique (!) y contribuant, déférant au long métrage une atmosphère toute particulière. C'est un road-movie, un western, un film d'horreur avec un sérial killer. C'est un peu tout à la fois. C'est la rencontre des frères Coen avec l'univers implacable de Cormac McCarthy, et c'est tout simplement brillant.
Le rythme est lent, mais pourtant, on ne s'ennuie pas un seul instant. Dès les premières scènes, nous rencontrons Anton Chigurh, et directement, le ton est donné. Il est arrêté par un jeune représentant de l'ordre qui ne sait vraisemblablement pas à qui il a affaire, puisqu'il le laisse libre, derrière lui, simplement menotté, alors qu'il passe un coup de fil. La première chose que nous verrons clairement de Chigurh, ce sont ses mains, lorsqu'il passera la chaîne de ses menottes autour du cou du pauvre infortuné. Ce dernier se débat tant qu'il peut mais, alors que la caméra monte et que l'on découvre le visage du tueur, on sait qu'il n'aura aucune chance. Yeux révulsés, mâchoire serrées, Javier Bardem laisse déjà sa trace dans le cinéma des Coen comme l'un de leur personnage les plus fou. Et pourtant ce n'est que sa première scène. Mais la suite nous donnera raison. Entre conversations glaçantes et meurtres de sang froid sous la chaleur du Texas, l'Espagnol n'aura pas volé ses récompenses.
L'histoire, elle, débute lorsque Llewelyn Moss, incarné par Josh Brolin, découvre une valise pleine d'argent, dernier vestige d'un deal de drogue ayant mal tourné. Il y voit bien entendu une chance de recommencer sa vie, qui n'était pas des plus faste jusque ici. Malheureusement, on ne récupère pas 2 millions en cash sans en subir les conséquences. Surtout lorsqu'elle se nomment Chigurh. Non, pas Sugar, this guy ain't sweet.
Le tout se déroule sous l'oeil fatigué du Shérif Bell. Le vieil homme du titre, c'est lui. Et il est dépassé par tout ce qu'il se passe. Où est passé son Texas ? Celui où son père, ou son grand père, pouvaient faire régner l'ordre avec leur étoile, et non pas avec un fusil ? Celui avant la drogue, avant la folie de l'argent. Au final, il ne pourra rien faire pour sauver ni arrêter qui que ce soit. Le vieil homme prendra sa retraite, sagement, mais avec des regrets. Et des rêves pleins la tête. C'est peut-être tout ce qui lui reste...