No et moi par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Elle n'est pas trop expansive la petite Lou mais sa timidité apparente ne l'empêche pas d'avoir un certain talent pour les études.En effet, celle-ci, âgée de treize ans, compte tout de même deux classes d'avance. Pourtant le milieu familial n'est pas d'une réelle gaieté puisque son père et elle doivent supporter une mère dépressive. Un événement va bouleverser sa vie lorsqu'elle fait le choix pour un exposé de parler de Nora (No), une jeune fille sans abri de 18 ans posant souvent son ballot à la Gare d'Austerlitz. Lou va alors tenter de l'approcher afin de récolter un vrai témoignage de cette jeune fille "sauvage" et une certaine affinité va alors se créer...


Lou est bien sûr un peu fluette et fragile par rapport aux autres élèves de sa classe mais son cerveau fonctionne très bien. Elle est pleine de sensibilité et paraît très intéressée par le mal-être des autres. Elle supporte quotidiennement sa mère, anxieuse et dépressive patentée, confinée sur elle-même. Ces circonstances l'amènent à choisir pour son exposé un sujet malheureusement d'actualité, les sans-abris. C'est vrai que sa sensibilité la pousse à aborder cette question d'autant plus qu'elle est très intriguée par No qui traîne de gare en trottoirs et de trottoirs en foyers lorsque ceux-ci peuvent l'héberger. En décidant de l'accoster et de l'amener à se confier sur sa vie errante et misérable, une certaine affinité arrive péniblement à s'établir entre les deux jeunes filles.
Lou propose alors à No de venir habiter chez elle au grand étonnement de ses parents, le rêve de Lou étant d'arriver à sortir enfin la vagabonde de cette vie misérable et parfois dangereuse. Vaille que vaille No devient moins farouche malgré des réactions parfois inattendues et trouve alors un travail. Elle peut enfin gagner sa vie. La jeune fille disparaît subitement. Désespérée Lou se lance à sa recherche. Le constat est net, les vieux démons sont revenus au galop. On ne se sépare pas si facilement d'une existence même si celle-ci est hasardeuse et pleine de dangers. On ne dompte pas les impulsions de No traumatisée à vie.


C'est un sujet délicat que Zabou Breitman nous relate avec beaucoup de justesse. La réalisatrice aime se faire le témoin des problèmes de société de notre époque et je dois avouer que cette fois encore le pari est réussi en adaptant à l'écran le livre de Delphine De Vigan. La réinsertion des SDF n'est pas simple et Zabou Breitman dissèque avec d'émotion les parcours de ces personnes démunies autant pécuniairement que mentalement. Lorsqu'on a été agressé par les affres de la solitude et de la misère il est très difficile de se reconstruire et on peut retomber dans ce précipice malgré soi.
Pour No c'est le cas et Julie-Marie Parmentier incarne avec beaucoup de justesse cette jeune fille dure, braque mais peut-être pas démunie de tendresse pour celle qui va la surprendre dans sa détresse. C'est Lou, gamine douce et sensible, interprétée de très belle manière par Nina Rodriguez, qui va tenter grâce à son attachement sans limite à tirer No de son quotidien cauchemardesque. Zabou Breitman qui aime jouer dans ses réalisations interprète une mère de famille amorphe par sa récurrente dépression qui la cloue dans un canapé. Quant à Bernard Campan il incarne un père de famille conciliant à souhait malgré les événements qui s'abattent sur lui. J'ai également bien aimé Antonin Chalon, très juste dans son personnage de Lucas, le meilleur ami de Lou.


Zabou Breitman mérite amplement que l'on s'intéresse à cette œuvre attachante dégageant plein de tendresse. Une nouvelle fois la réalisatrice nous interpelle sur des cas de société qui à notre époque ont tendance malheureusement à s'étendre dangereusement et douloureusement.

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le 18 sept. 2016

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