Voila mon interprétation du film (et de sa fin). Le tout est donc évidement un gros spoiler.


Susan et Edward sont deux anciennes connaissances qui se sont perdus de vue et qui se retrouvent au cours d'un diner. Ils s'avouent avoir flashés l'un envers l'autre lors de leur première rencontre et de toujours ressentir quelque chose aujourd'hui. Ils finissent donc par se mettre ensemble. Cependant, la mère de Susan s'oppose à une union car ils seraient de classes différentes (Susan est d'un milieu bourgeois et Edward non) mais surtout ils ne se correspondraient pas : selon elle Susan serait quelqu'un d'ambitieuse et de forte, tandis que Edward serait faible, voir minable. Susan reconnait qu'Edward manque de courage et d'ambition mais affirme qu'elle ne voit pas cela comme un défaut. Cependant avec le temps elle commence à lui reprocher cette faiblesse et à ne plus prendre plus au serieux le travail d'auteur d'Edward (elle s’ennuie en le lisant), elle lui dit que cela manque d'ambition, etc. Bref le couple bat de l'aile et elle fini donc par avoir un amant. Problème : elle tombera enceinte d'Edward et sans prévenir celui-ci et avec la complicité de son amant, elle avortera. C'est ici qu'Edward découvre tout et disparait immédiatement de la vie de Susan.


De longues années s’écoulent et Susan trouve sa vie déplaisante, son couple (avec son ancien amant) bat également de l'aile, elle n'aime pas le milieu artistique dans lequel elle évolue professionnellement, elle le trouve grossier, artificiel, surfait (le réalisateur fait tout pour que le spectateur partage cette impression). Bref, ça va mal dans sa vie. Elle reçoit alors une copie du nouveau livre d'Edward, que celui-ci lui a fait parvenir en avant-première pour qu'elle le lise (il s'intitule "Nocturnal Animals", le titre du film). Elle va lire ce livre, qui lui est dédié en première page et qui s'avère être une mise en abime totale de leur histoire commune. Tony (=Edward) est un père de famille qui brillera tout d'abord par sa faiblesse/lâcheté lorsque lui, sa femme Laura (=Susan) et sa fille India (=personnification du rejet/refus d'Edward vis-à-vis de l'avortement de Susan) se font agresser par une bande de jeunes sur la route. En effet, comme Susan le reproche réellement à Edward dans le monde réel, il ne saura pas réagir, pas s'imposer et finira par abandonner sa femme et sa fille. C'est ici pour moi un mea culpa de Edward à son ex-femme, il reconnait l'abandon et endosse en partie la responsabilité de la mort du couple (symbolisée par la mort réelle de Laura). Il reproche toujours cependant l'avortement (symbolisée par la mort réelle de India) à sa femme, en lui racontant une histoire ou il refuse la réalité de cet avortement : s'il y avait eu sa fille, il y aurait eu le couple.


La suite du film est alors une sorte de vengeance vis-à-vis de ce drame, comme s'il cherchait à "réparer" les erreurs (la sienne et celle de sa femme) en faisant justice. L'histoire est jusqu’au-boutiste, car Edward tient alors à montrer à son ex-femme qu'il n'est pas/plus faible et qu'il sait faire preuve de courage et non de faiblesse. L'objectif atteint (la justice étant faite) il finit par mourir, car le couple est définitivement mort : du père, de la mère et de la fille, il ne reste plus rien. Son roman n'est rien d'autre que l’épilogue de leur relation, les reproches de l'un vers l'autre (et vis-versa) et l'irréversibilité de la rupture étant racontées métaphoriquement à travers ce drame : sa vision à lui de leur drame à eux. Et bien sûr Susan, qui trouvait l’écriture de Edward fade il y a quelque années, est absorbée/bouleversée par le récit tout au long de sa lecture. Et le spectateur avec.


La scène finale est sencée être les retrouvailles dans le présent entre les 2 êtres, que Susan semble avoir souhaité pour echapper à sa morne vie. Edward ne se présentera cependant pas au rendez-vous, son lapin est la confirmation de ce que Susan redoutait : ce livre est peut-être une fiction mais la rancœur est elle bien réelle.
Le film s'achève sous le regard mélancolique de Susan, contemplant avec tristesse son avenir bien sombre.

Gynocratie
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le 8 janv. 2017

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