Noé
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Noé

Film de Darren Aronofsky (2014)

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Victime d'une intoxication aux champignons hallucinogènes ou simplement kidnappé par des extra-terrestres évangélistes partouzeurs de droite, Darren Aronofsky s'envole en Islande avec les 130 millions de dollars de la Paramount pour tourner une adaptation d'une bande dessinée qu'il avait imaginé avec Ari Handel et Niko Henrichon, elle-même librement inspirée de l'arche de Noé.

Que le cinéaste de "Black Swan" aborde son sujet avec un sérieux imperturbable tout en lui collant sur le dos des atours de fantasy et de pré-apo, voilà une idée qui n'était pas plus débile qu'une autre, permettant peut-être aux spectateurs d'aujourd'hui d'accepter sans trop sourciller une histoire aussi biblique. D'autant qu'Aronofsky paraissait être le candidat idéal pour une telle entreprise, lui qui s'est fait par le passé une spécialité des chemins de croix, illustrant magistralement le destin chaotique de personnages fracassés.

Malheureusement, rien ou presque ne fonctionne véritablement sur "Noé". On ne pourra bien entendu pas enlever au film une certaine ambition, ni le courage qu'il aura fallu pour décrire une figure aussi symbolique dans un pays si catho comme un connard d'illuminé prêt à massacrer un bébé pour mener à bien sa mission divine. Mais à côté de ça, le résultat final ressemble un peu à ce qu'aurait été "The fountain" s'il avait été doté du budget prévu à l'origine, avant qu'Aronofsky ne doive revoir ses ambitions à la baisse et livrer un produit plus "intimiste", plus humain.

Car le problème principal de "Noé" est bien là, dans son absence flagrante d'émotion, comme si tous les enjeux humains avaient été écrasés par une logistique envahissante, par l'immensité du point de vue d'un cinéaste observant tout son petit monde non pas à leurs côtés, mais bien perché dans les étoiles. Ajoutez à cela une direction artistique particulière et surtout, des éléments extrêmement casse-gueules mal insérés dans le script (les anges transformés en monstres de pierre ne paraissent être là que pour le spectacle et atténuent grandement l'implication de Noé dans la construction de sa propre arche), et vous aurez une petite idée de l'étrangeté du bouzin.

Passant totalement à côté d'une réflexion sur la foi, sur le fondamentalisme religieux ou même sur l'être humain qui aurait pu être passionnante, Darren Aronofsky accouche finalement d'un beau pétard mouillé même pas spectaculaire et encore moins épique (le déluge dure à peine cinq minutes), extrêmement bavard et interminable, où il ne se passe pratiquement rien pendant plus de deux heures.

Là où le colossal "Cloud Atlas" échappait miraculeusement au naufrage grâce à une cohérence de chaque instant et à une mise en scène aérienne, "Noé", lui, n'y échappe malheureusement pas, délire un brin pompeux et désespérément mou, dont on saluera cependant l'absence de prosélytisme (ce qui n'était pas gagné avec un sujet pareil), le casting quatre étoiles (Russell Crowe en impose et Emma Watson se démerde très bien) et la superbe musique de Clint Mansell.

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le 11 mars 2015

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Gand-Alf

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