Noé
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Noé

Film de Darren Aronofsky (2014)

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Fantaisie héroïco-biblique quelque-peu tirée par les cheveux dont le récit original, célébrissime, peut déjà sembler fortement alambiqué et fait prendre sa vessie pour une lanterne à une part de l'humanité depuis quelques siècles déjà. Bref, l'incontournable Noé et son arche, étonnamment peu portés à l'écran (?) arrivent avec de très gros sabots.

Les premières minutes du film ne sont pas sans nous rappeler que nous sommes dans l'ère "post-Game of thrones" donc "post-warcraftienne" (costumes, décors, ambiances, vues aériennes 3D cheap mais qui plaisent aux geeks:), Nono, qui a instantanément un père à venger, a donc des gros bras et ne rechigne pas pour un baston. Il a le chic pour interpréter ses rêves sans aucun recours à la psychanalyse ni à la symbolique, car il rêve au tout premier degré et il sait en se réveillant que son "rêve de plongé en apnée parmi les cadavres" lui parle du sort de l'humanité toute entière, on sent ça... Pour approfondir, son aïeul Matusalem déguisé en Anthony Hopkins, l'aide d'une substance psychotrope pudiquement présentée par allusion. Néanmoins le produit fait son effet et Nono se recontacte avec son "créateur". (Donc, si on veut parler à dieu, y a toujours ça à essayer)

Reconnaissons une certaine fougue à Darren sur ce coups-là! Laisser poindre une once de chamanisme dans l'ancien testament n'est pas si courant! or les visions bibliques, les voix divines, etc trouvent généralement comme explication: "Moïse, Noé, etc, c'était des gens exceptionnellement respectables, que dieu il voulait bien leur parler"
Sortant de son champi, Nono sait, car il a flashé, en contre-plongé sous-marin, un rectangle sombre à la surface et les cadavres d'animaux qui remontent autour de lui, il sait qu'il lui faut construire un bateau immense et sauver tous les nanimaux de la terre.

Le récit part en vrille pour satisfaire à Fantasialand et la famille Nono fait copain avec des monsieur Pierre géants, supposés faire des figurines amusante dans les rayons "jouets": les anges élémentaires déchus, condamnés à incarner la roche sur terre. À leur façon, ils ont fautés aux yeux du créateur et comme les hommes, sont punis.
(Intéressant! Darren nous annonce en quelque sorte que la nature est coupable, punie ...par l'homme!?)
La bande à Pierre construit l'arche et on peut voir par la suite qu'ils ont eus la délicate attention de mettre des petites voilettes aux fenêtres^^ Pas évident avec des paluches formées de quelques rochers de la taille de bagnoles! Ils défendent aussi la famille Nono contre les emmerdeurs du coin dont le chef qui n'est autre que l'assassin de qui? hein? de qui le méchant il est l'assassin? (Ce spoiler ne va pas te gâcher ce suspens!), cet ignoble barbu, descendant de Caen, est bien décidé à prendre la place de la famille Nono avec ses amis armés de pétoires préhistoriques et de bouffer tous les nanimaux.

D'ailleurs ça commence, les oiseaux arrivent premiers, en nombre, puis les reptiles, insectes, puis mammifères, etc. À chaque passage de telle espèce, une vue aérienne nous montre la plaine qui entoure l'arche, remplie, tel qu'en superficie au sol, il semble falloir 5 arches par catégorie! Ça peut en jeter comme plans mais ça sent carrément la surenchère!

En tout cas, Nono sait qu'il ne lui faut pas d'humains à bord, il sait que les siens ne devront pas procréer et repeupler la terre de sa descendance qu'il considère d'à-priori comme égale à la vermine qui domine dans les cités qu'il exècre (Ah? mais, Nono les a justement préservés de ces mauvaises influences et les a éduqué comme des bons et braves, ce qui a marché: ils sont super-cool...). Il est donc heureux car malgré le couple qu'elle forme avec son grand gamin, sa fille adoptive est stérile. Il lui glisse pour la réconforter "you are stérile, you are a precious gift" (?).
Est-ce une allusion au fait que toute la famille va lui passer dessus à tour de bras et le cœur léger?
Ou encore pour signifier que la stérilisation est la solution, presque divine, pour réguler l'humanité?

Par la suite, on est orienté vers un mélo sentimental sorti d'on ne sait où? Nono est vraiment un militant pour l'avortement ou le sacrifice humain, un truc du style, il ne sait pas lui même... Bien que son bon-dieu a rendu fertilité à sa fille, il reste convaincu que la disparition de l'humain est le propos, ce qui n'est en rien véhiculé par la bible (à ce que je n'en sais pas grand-chose mais que je viens d'aller checker) Darren pointe "la faute à l'humanité", genre "tu va payer, vermine" et en même temps il caresse l'humain dans le sens du poil avec des violons à larmichettes: "Quoi de plus mimi qu'un bébé?"

Nono aura été dur, très dur à cuire: sur base de 2 hallus, il s'est montré complètement obsédé avec des idées fixes arbitraires, prêt à foutre par-terre son couple et à "se faire détester de tous ceux qu'il aime", réplique de son épouse qui me semble être un clin-d’œil au judaïsme où il est coutume de se penser bienveillant mais détesté du reste du monde. Il se sera aussi pris la tête avec son second gamin voué par sa faute au célibat. Bref il aura été chiant, buté et con mais on peut bien lui passer ça, puisqu'il a réussi! Donc froideur, moyens inhumains sont pointés comme "de bon aloi" lorsque le but visé est atteint dans le respect des consignes (même si ici, l'intéressé inventait lui même le règlement).

Au passage, un hasard divin poignarde "l'assassin du pére à Nono" embarqué clandestinement dans l'arche, caché par le jeune Ham revêche envers son père et occupé, en plein pugilat contre le boss, à tenter une prise de pouvoir. Sacré créateur, toujours là quand il faut pour les types exceptionnels comme Nono, même s'il est un peu plat du front et qu'il déconne sec.

Je m'attendais pourtant encore à pire et il me semble un peu court de n'y voir aucune Aronofskytude.
Son approche jinglesque des débuts pour souligner les addictions (Pi, Requiem for a dream), trouve ici à se porter sur "l'eau" traçant à travers les terres, pour offrir une séquence expérimentale (en rappelant qu'on en est dépendant, accrocs et que c'est un bien précieux, bientôt rare... ?)

Le film s'adresse à mon avis plutôt aux enfants, ce qui justifierait la pudeur pour nous parler d'hallucinogènes, puis "les gentils bonshommes de pierre aux yeux de feu", le gros pathos du fait que Nono semble détester les mioches mais la portée idéologique me semble malvenue et carrément fascisante pour former un jeune publique.

Le mot "créateur" dans son sens biblique est évidement support potentiel de délires aigus, tel qu'être créatif peut s'assimiler d'office à l’œuvre divine et que le statut de dieu peut s'acquérir par la reconnaissance de ses pairs devant telle ou telle démonstration. Ceci créé une escalade éfreinée (que symbolise la Tour de Babel?), propice à la consommation et à la compétition à outrance.
L'homme a créé un dieu à son image pour pouvoir prétendre avoir été créé à l'image d'un dieu, c'est très con en soi mais c'est peu mis sur la table! "Noah" ne soulève pas ce genre de réflexion mais insiste sur la notion de "créateur" alors que les hébreux usent également d'autres appellations comme "l'éternel", "le tout-puissant", .... Ici on insiste sur "la création" comme signe prédominant (et créer c'est consommer). Le dieu des Hébreux se limite à être "le fabriquant" et "le réparateur", à l'image des besoins de l'homme d'aujourd'hui.
tobor
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le 8 juil. 2014

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