Welcome to the hotel de Tijuana !

Welcome parce qu’il faut passer de l’autre côté, et que si ce n’est pas la mer, le désert est aussi potentiellement mortifère. Mais ce n’est pas l’hôtel California qui est rêvé, bien que la drogue emprunte les mêmes voies difficiles que nos pauvres clandestins. Le rêve est tout autre, qui n’est pas non plus celui évoqué par Manu Chao, le rêve mexicain pour Américains en manque de joyeusetés, tequila sexo marijuana…

Norteado est un film mexicain qui surprend de prime abord par ses choix de réalisation. On craint d’ailleurs le pire au début, avec cette lumière excessivement blanche et cette caméra à l’épaule peu supportable, éléments censés nous mettre dans les conditions de cet homme qui court dans le désert aride des marges sud californiennes. Bienheureusement, la réalisation est plus classique par la suite, malgré des ellipses un peu trop fortes et la volonté de filmer comme un documentaire, avec la saleté sur les vitres, les passants qui passent devant la caméra.

Le film est sympathique et décroche régulièrement des sourires, malgré la dureté de ce qui est raconté. On est à Tijuana, mais le personnage principal n’a rien à voir avec ce que raconte Manu Chao dans sa chanson, c’est un Mexicain du sud qui veut franchir la frontière. On ne saura jamais trop pourquoi il quitte son sud et sa famille, mais il veut passer de l’autre côté. Evidemment ça n’est pas si simple, et ses essais s'achèvent plusieurs fois dans un poste de contrôle américain où trônent les portraits de George Bush (junior) et Schwarzenegger, alors respectivement président des States et gouverneur de la Californie. Le comique de répétition fonctionne bien, le sujet est douloureux, mais le traitement burlesque nous permet de le mieux supporter.

Et puis, le film s'éloigne un peu du thème de départ, il nous parle de la rencontre de Mexicains d'origines variées, il parle de solitude, de ces femmes qui attendent des nouvelles de maris passés de l'autre côté mais qui ont créé une nouvelle vie dans laquelle elles n'avaient plus de place... Croisée des chemins, lieu de passage, lieu de brassage, beaucoup de pistes et de tentations, la difficulté de choisir. Au milieu de tout cela, Andres, ce jeune venu du sud, complètement paumé, qui ne sait comment passer avant de se demander s'il ne ferait pas mieux de rester et de pousser plus loin de nouvelles voies.

Rigoberto, ah, quel prénom (j’aimais déjà bien Rigoberta Menchu), Rigoberto Arezcano est quelque peu taquin, le parallélisme des deux débuts d'histoires d'amour est simple mais efficace, les maladresses et tentatives de drague d'Andres nous feront bien sourire. Ici, il y a toujours un peu de place pour des sourires au milieu du drame. Le film est optimiste. L'humour instillé par le réalisateur permet de dédramatiser la situation, nous conviant à l'optimisme par la mise en avant de plaisirs simples, une bière, une danse, quelques cacahuètes, les mariachis... Il se joue même un peu de nous sur la fin, l'essai est original, on n'y croit pas vraiment, c'est invraisemblable, puis on a envie d'y croire, avant une fin qui ne pouvait qu'être ouverte, tant les chemins sont multiples.

Un film qui parle du Mexique, de la Mexamérique et des influences mutuelles de part et d'autre de la frontière, des Mexicains qui ne boivent que de la bière et des sodas (j'ai lu par ailleurs il y a peu que les Mexicains seraient parmi les plus obèses au monde), de la mondialisation culturelle, donc, mais aussi de l'importance du hasard, des rencontres, de la solidarité.

Bref un film sympathique et un peu original qui mérite largement d’être vu.
socrate

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