Nosferatu, on l'appelle aussi Dracula ; c'est un remake d'un film de 1922 qui avait dû renommer le célèbre vampire pour une histoire de droits, et Herzog n'a pas su faire de choix entre les deux patronymes, alors il a pris les deux en vrac. Et ce n'est pas tout à fait son seul défaut puisque le monstre est supposé avoir des serviteurs, mais ils ne sont pas là, mais ils sortent de nulle part quand il en a besoin. On peut aussi arguer que son château, supposé fantômatique, apparaît à l'issue d'une scène qui, elle, est tout à fait fantôme ; ni brutalement, ni dans une douceur suggestive. Il est là, bien réel, avec peu de nuances.


Mais à part ces petits cahots, Nosferatu reste une des grandes créations de Herzog, qui lui est permise par sa collaboration avec l'inquiétant Klaus Kinski ; le gars apporte quand même son pesant d'interprétation. Le régisseur sait tirer toute la valeur esthétique des montagnes allemandes et des villes hollandaises, où il règne un automne épais et une humidité pénétrante dignes des plus fantastiques aventures. Dommage que ces morceaux d'images constituent la seule beauté et la seule raison de véritablement se plaire devant ce film.


La folie latente du style de Herzog s'exprime parfaitement dans ces décors, et dans l'esprit du héros que la peur envahit petit à petit. Autant le jeu de Bruno Ganz peine-t-il à percer la stratosphère, autant celui d'Adjani est-il aussi raffiné que sa maîtrise de l'idiome germanique. L'histoire tourne au cauchemar d'une manière délicate qui nous fait oublier la lugubrité ambiante – on ne peut au moins pas en dire qu'elle est hors-sujet.


Quand la peste débarque dans le scénario, une alchimie digne la pierre philosophale est mystérieusement mise en œuvre jusqu'à nous faire ressentir de l'empathie pour le vampire, que ni le personnage ni l'acteur ne nous prédestinent pourtant à apprécier... Mais on peut ressentir son besoin viscéral de se faire souffrir à la longueur de ses pensées, de se cacher du soleil, d'être craint sans se faire craindre, de semer la mort. Si seulement je pouvais déterminer d'où ce miracle émotionnel provient, je pourrais en créditer l'auteur avec justesse, mais peut-être est-le le résultat spontané d'expériences involontaires.


Jeu d'acteurs et climat ; deux ingrédients bénins mais qui font tout le charme de ce remake. Non, « charme » n'est pas le mot, mais je ne crois pas qu'il existe de mot pour définir un attrait glauque.


Quantième Art

EowynCwper
6
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le 30 juin 2018

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Eowyn Cwper

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