Quand Dracula tète la carotide avec ses dents pointues et qu'il apporte des rats avec lui pour singe
Bon, oui, le film a des défauts : Reinfield, le "disciple" fou, est insupportable avec son rire mitraillé ; la scène du repas à l'auberge est invraisemblable et ridicule (taper sur la table pour un repas, on y croit pas, surtout que Ganz dit sa réplique calmement, ce qui est assez décalé par rapport à l'empressement que suppose le geste ‒ les gitans qui se retournent comme un bloc et qui regarde Harker sont pas crédibles non plus et l'aubergiste, bah, on dirait un robot), mais bon, elle est encore pire dans La symphonie de l'horreur ; Adjani surjoue quand elle a peur, mais on dirait la fille dans The Shining à cause de ses grands yeux sauf qu'elle est plus belle et voilà, j'aime son air de petit chat terrorisé quand même et puis elle rend hommage au cinéma muet ; et la longue phrase continue.
CELA ÉTANT DIT, les acteurs sont solides (sauf exceptions). Ganz rend super bien Harker quand il est malade et le comte Dracula de Kinski est monumental : avec lui, Herzog fait le pari de présenter un Nosferatu plus romantique qu'effrayant (ce que le film est pas, mais l'original non plus, même si le comte Dracula de 1922 a de la gueule ‒ celui de Kinski aussi, cela dit). Dracula a l'air déprimé (ce que la prosodie de Kinski rend très bien en allemand comme en anglais, peut-être même mieux en anglais parce que sa voix traîne et hésite ‒ c'est le seul point fort de cette version-là selon moi), fatigué de l'immortalité et puis il est autant fasciné qu'effrayé par Lucy : quand il la mord, on dirait un bébé qui tète (le son qu'on entend est comique aussi) et son expression quand elle le retient est tellement drôle dans son mélange de passivité pleine de désir et de peur. Bref, un vampire drôle dans ce qu'il a de désespéré, de dégoûté, d'innocent et d'impressionnable. Adjani est la plupart du temps assez bonne, toute en retenue qu'elle est. Elle pleure bien et puis elle est jolie aussi. Ses coiffures le sont moins, mais bon, lalala.
Je peux pas non plus passer sous silence l'humour que le film contient. Il est parsemé çà et là de moments qui font sourire ou même franchement rire. C'est pas une des caractéristiques principales du truc, mais on s'en fout, c'est un plus. Puis bon, la musique est très bien aussi : ambiante et juste bonne.
Enfin, le Nosferatu d'Herzog me plaît davantage que celui de Murnau. Le scénario est beaucoup mieux que celui de l'original, moins linéaire, plus dynamique ; les acteurs ont pas l'air de pantins non plus (dans l'original, le jeu est ultra caricatural, même si je comprends que c'était nécessaire) et puis bon, Dracula est beaucoup plus intéressant dans Le fantôme de la nuit. Ah, et la fin.
Une dernière chose : il faut regarder le film en allemand. IL LE FAUT.