En repérages pour Nostalghia, Tarkovski doutait : exilé en Italie, il ne retrouvait pas l’ampleur des terres russes. Comment grandir ce que l’on filme ? En le filmant de près. Ainsi, chaque pierre, chaque bâtiment, sera rendu grandiose. Et finalement, les paysages extérieurs, plus lointains, seront souvent enveloppés sous la brume.

La condition de l’œuvre est évoquée dès le premier dialogue. Un personnage féminin parle, et un autre, masculin, lui rappelle qu’il faut parler Italien.
Ce personnage, nommé Andreï est ici le miroir du réalisateur. Il exprime ainsi par son biais, ses pensées, ses doutes, sa nostalgie. Cela pourrait encore paraître simple et inefficace, mais … Comment grandir ce que l’on filme ? En le filmant de près. Tarkovski arrive à filmer l’invisible, ce qui permet au spectateur de sans cesse ressentir.

C’est par de magnifiques, lents, et longs travellings que l’on suit Andreï et que l’on visite une Italie dépouillée. Lorsqu’il choisit de ne pas entrer dans une cathédrale, lorsqu’il s’exprime sur l’art, c’est à la fois un discours du personnage, et un discours du réalisateur. Mais c’est avant tout un moment de poésie et d’apaisement, de beauté et de subjugation.

Ce qui fait de Nostalghia un grand film, c’est qu’il est composé de plusieurs séquences parfaites.
Il n’est pas aisé de reconnaître la perfection, et cela est souvent subjectif. Il est encore plus difficile de la créer. Ce film m’a proposé, à plusieurs reprises, la perfection.
Je pense aux dernières minutes, que je ne dévoilerai pas.

Je pense aussi à une scène, qui commence par ce plan : http://i.imgur.com/reDtcpc.jpg
Andreï est assis sur son lit, symbole de repos. Il est tourné vers une fenêtre ouverte sur l’Italie, symbole d’avenir et de désir. Alors qu’il se recroqueville et que la lumière vacille, il n’est plus qu’une ombre qui s’affaisse sur le présent. Alors qu’il se couche et que l’obscurité grandit, il n’est plus qu’une main qui caresse son passé.
Étendu dans les ténèbres, il n’est plus que nostalgie.
TheBadBreaker
9
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le 30 janv. 2015

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TheBadBreaker

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