Le cinéaste danois Mikkel Munch-Fals brosse pour son premier film une peinture peu réjouissante de la société et s'amuse à faire vaciller nos ressentis. S'entourant d'acteurs très à l'aise, un échantillon d'âmes prêt à tout pour un peu de bonheur.


L'ambiance est donnée avec l'introduction, où Ingeborg (épatante Bodil Jorgensen), jeune retraitée, offre son "pot de départ" : silence gêné de ses collègues pour révéler ce monde du travail où les relations n'existent pas. Le "spitch" du jeune dirigeant est une merveille de cynisme dans l'absence d'empathie, s'embourbant dans l'irrespect, voire l'insulte ordinaire. On plonge dès cet instant dans ce qui va perdurer tout du long, de ces rapports difficiles et d'actes manqués entre tous les protagonistes et leur fuite en avant.


Ingebord perdra son mari le soir même, la scène confirme le talent du metteur en scène à lier le drame au comique...mais pas de nouvelle vie salvatrice pour Ingerbord, plutôt un drame de toute une vie qui se fait jour à son veuvage et qui s'inscrit dans chaque situation vécue par cette femme esseulée. La mise en scène sans fioriture aux couleurs froides et aux décors nus, renvoient au vide de l'existence. De l'appartement de banlieue à sa sortie pour aller jouer au Loto, aux terrains vagues avoisinants, ou encore d'appels téléphoniques muent par un irrépressible besoin de contacts, ne font que renforcer sa solitude.
Du temps qui passe aussi, et la douleur due à l'absence de sa fille, Anna (Mille Hoffmeyer Lehfeldt) elle-même perturbée par une opération mettant à mal sa séduction, qui optera pour une solution radicale !
Anders (Henrik Prip), exhibitionniste à ses heures, qui ne sait plus où il en est, ne trouvant aucune aide de son psychothérapeute, absent et incompétent. Et Jonas (excellent Sebastian Jessen) qui quant à lui, laissera son corps s'exprimer dans des ébats multiples et variés, pour le meilleur et pour le pire, ayant l'air de toute sa jeunesse de survoler l'adversité.


Ces quatre personnes empêtrées dans leur mal-être et en déconnexion de la société se rencontreront par des concours de circonstance autant drôles que scabreux. Du rapport au corps donnant lieu à des situations décalées ou pathétiques, une intrigue à tendance provocatrice sauvée par le ton de la comédie et d'une mise en scène stylisée, mettant en valeur les expressions désœuvrées de tout ce petit monde...


Une société anonyme et une vérité qui dérange par quelques scènes bien choisies. Franc et direct notamment dans les rapports aux autres où chaque geste et parole n'est jamais gratuit. Il faudra s'accrocher sur l'ambiance particulièrement "débridée" de "Nothing's all bad". Les travers parfois traités avec humour, le sont aussi avec une tristesse sans nom et donne une sorte d'ovni parfois agressif, mais qui vaut par le sujet.


On fera le lien avec le film "Happiness" de Todd Solondz : solitude, désir, sexualité et difficulté d'être de ces femmes et de ces hommes en rupture, souvent mal accompagnés, mais peu enclins aux autres et où la violence psychologique se cachent derrière des tendances sournoises. Des dialogues percutants faisant la part belle « aux mots ». Malheureusement “Happiness” est parfois grossier et le ton poussif et si l'on devait s'attacher aux personnages, celui-ci nous en empêche par ses provocations malsaines. Notamment cette fameuse scène du père de famille (pédophile) et de sa discussion «d'adulte» avec son fils qui l'interroge. Ce moment est le summum de ce que veut pointer Todd Solondz mais nous laisse pantois d'effarement. La provocation excessive donne un ensemble un peu vain, ce que Mikkel Munch-Fals évite par un traitement bien plus sobre même si il reste cru.


“Nothing's all bad » le rejoindra par contre dans cette description de personnages d'un commun redoutable. Etre confronté à "Monsieur tout le monde" et à ses "tares" dérange et interroge sur notre capacité à regarder, écouter et comprendre (peut-être ?).


« Nothing's all bad » est donc plus soft, avec des caractères plus approfondis et des personnages moins excessifs...L'empathie est là, son aspect plus mesuré et ses moments joyeux permettent de contrebalancer le pessimisme ambiant. Plus délicat aussi, malgré son "voyeurisme" que l'on ne peut éviter. On suit sans contrainte la maîtrise à pointer plus subtilement la société. Plus esthétique, mais n'hésitant pas non plus à un aspect "trash" où la solitude nous mène bien loin du socialement correct. Et... 10 dernières minutes de pur bonheur.../...


Les deux films offrent tout deux, un final à la fois déroutant et plein d'optimisme.

limma
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le 26 déc. 2016

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