Notre Pain Quotidien c’est à la fois un documentaire et une oeuvre d’art. Le spectateur est face à un hybride qui se donne pour mission de le faire réfléchir, et ça marche ! Durant 1h32, nous avons sous les yeux un enchainement de plans fixes, calculés, pensés et pondérés pour montrer la face cachée de la production alimentaire. Ce qui saute aux yeux, c’est la froideur des images aseptisées et le gigantisme omniprésent des lieux filmés. 1h32, aucun dialogue, aucun commentaire, aucune indication, juste des images qui ressemblent presque à des photos. Le rendu est géométrique, esthétique et incroyablement froid. Le travail des hommes dans les abattoirs, les champs ou les élevages en tous genres est complètement déshumanisé. Aucun d’eux ne parle, ils se contentent de travailler. Le bruit de leurs machines est omniprésent. D’ailleurs, l’homme devient une machine sous nous yeux. Aucune émotion ne transparait de ces plans, et c’est cette froideur qui semble rendre le regard de Nikolaus Geyrhalter impartial et objectif. On croirait qu’il ne veut pas explicitement dénoncer quoique ce soit. Il réussit finalement le tour de force de se contenter de montrer, à travers le prisme de l’art, ce qui se passe pour la nourriture avant qu’elle ne finisse dans nos assiettes. Pourtant, certaines images interpellent et font réagir. Quelques personnes de la salle se cachent les yeux, d’autres pleurent face au traitement réservé aux animaux d’abattoirs. Il y a des scènes choquantes, oui, mais finalement banales quand on se rappelle qu’elles se produisent chaque jour derrière les murs des grands groupes de l’industrie alimentaire.


L’esthétique au service du débat


1h32 plus tard, l’émotion dans la salle est palpable : « c’est trop dur ! » ou « incroyable ! » entend-on de temps à autres. Les coulisses de l’alimentation montrées telles quelles, nous font réfléchir à ce que signifie manger, ce besoin fondamental à la base de la vie humaine. La convivialité, le partage et le plaisir que l’on peut généralement associer à l’action de se nourrir sont complètement absents du film, et c’est justement ce qui laisse songeur. Comment ce qui nous fait vivre peut-il être aussi proche de la destruction et de la mort ? Comment un besoin vital peut-il devenir aussi peu naturel ? Et, d’ailleurs, la nature dans tout ça ? Des questions qui restent en suspend pour beaucoup de ceux qui ont assisté à la projection. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne regarde plus son assiette de la même manière. Objectif accompli pour le réalisateur autrichien.

Maeva-Wallace
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le 1 févr. 2015

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