Pourquoi danse-t-on ? C'est la question que pose le malheureux professeur inexpressif Pushkin [Ralf Fiennes] à son insolent élève Rudolph Noureev [Oleg Ivenko]. Filmer la danse n'a jamais eu d'autre but que de répondre à cette question, même si cela entend dépasser l'intérêt d'une vie particulière comme celle de Noureev. Pour raconter une histoire comprend-on plus tard. Certes, et pourtant cette biographie prometteuse d'un danseur mu par 'l'énergie de l'Est' est décevante par la mise en scène même de sa narration. Contre sens ? Oui. Lorsque Noureev déclare à la veuve Clara Saint [Adèle Exarchopoulos] qu'il lui faut à tout prix un but dans la vie ou alors elle n'en tirera aucun plaisir, le geste dansé est aussitôt effacé dans l'ensemble de la vacuité existencielle de celui qui écrit ce discours. La question doit rester un point de départ autant qu'une énergie à poursuivre pour celui qui danse et celui qui regarde/filme : pourquoi danse-t-on ? Les allers-retours maladroits en noir et blanc dans le passé de Noureev viennent confirmer cette vision de la danse qui devient un vecteur pour comprendre l'Art de façon linéaire. De son enfance sparte et pauvre, Noureev est sorti plus fort et mélancolique avant l'heure. De son origine modeste, Noureev est devenu fier, cela lui a donné faim du monde. Pourtant, cette procession attendue que fabrique Ralph Fiennes avec l'acteur/danseur dont il fait d'ailleurs sa muse, est un geste aussi égoïste que le personnage qui est mit en scène. Seuls les dialogues entre l'inspiration des tableaux dont vient se nourrir Noureev, d'abord à l'Hermitage, puis au Louvre, et enfin à la Sainte Chapelle ; sont les moments de grâce où l'on sent quelque chose transcender l'artiste. Un courant passe entre la beauté de tous ces éléments réunis dans l'esprit insatiable du jeune danseur qui accumule les connaissances et les belles choses pour former une esthétique personnelle. Alors seulement, la fascination de ce qui vient de l'Est, la construction du personnage mille fois vu, et l'effet grossier couleur local s'effacent. Pourquoi danse-t-on ? Mais pour répondre à cette question.

K1000ctn
3
Écrit par

Créée

le 19 juin 2019

Critique lue 883 fois

K1000ctn

Écrit par

Critique lue 883 fois

D'autres avis sur Noureev

Noureev
Caine78
4

Cygne contradictoire

J'ai beau très peu m'intéresser à la danse, le parcours et la personnalité Rudolf Noureev m'ont toujours beaucoup séduits, notamment à travers sa dimension historique. Aussi, cette idée de biopic...

le 25 août 2019

7 j'aime

Noureev
Boleyn
7

Critique de Noureev par Boleyn

Cela faisait 5 ans que Ralph Fiennes n’était pas passé derrière la caméra, mais c’est désormais chose faite avec sa dernière réalisation : « The White Crow ». Pour son nouveau film, celui...

le 3 févr. 2019

6 j'aime

1

Noureev
Cinephile-doux
6

La perfection et la défection

La vie de Noureev est un roman, il était donc légitime d'en faire un film. L'existence de la première rock star du monde de la danse a sans aucun doute basculé ce jour de juin 1961 à Paris quand il a...

le 21 juin 2019

4 j'aime

3