Robert Wise considérait The set-up comme sa plus belle réussite. Je ne connais pas grand-chose de lui, hormis West Side Story, mais je serais tenté de lui donner raison sans avoir vu le reste de sa filmographie. Ce film noir sous fond de boxe, alléchant sur le papier, est une merveille. Je pense que c’est l’un des plus beaux du genre que j’ai pu voir. The set-up a la particularité imposante de se dérouler dans une temporalité restreinte, pour ne pas dire en temps réel, suivant ce boxeur quittant son nid conjugal pour enfiler les gants, les préparatifs, les matchs qui précèdent le sien dans les coulisses, son match puis sa sortie. C’est tout. Je ne suis pas un grand spécialiste des productions américaines de l’âge d’or mais il faudrait vérifier s’il existe un précédent en terme de parti pris temporel, aussi osé et audacieux. Avant 1949, moi je n’en connais pas, personnellement – Reste à savoir si The rope est sorti avant lui ou non.

C’est un vrai film désenchanté, parcouru par le vieillissement (le boxeur en fin de carrière) et les paris truqués. Une passion vénéneuse qui en parasite une autre. Un savant montage parallèle (et le film en est truffé) montre les errances de Julie, la femme du boxeur, dans la ville, se refusant d’entrer voir son combat, d’une part, puis de son côté les préparatifs de Bill dans les vestiaires. Elle s’inquiète parfois de son sort, lorsqu’elle s’arrête dans un bar pour écouter les commentaires d’un match qui n’est pas le sien, où l’on fait état d’un lynchage absolu, ce qui l’effraie avant d’apprendre qu’il n’y est pas et d’être rassuré. Lui ne cesse de regarder par l’entrebâillement d’une fenêtre des vestiaires où il peut voir si sa chambre d’hôtel est toujours allumée ou non – Julie est censé venir le voir combattre.

Le film présente un milieu tout en spectacle (rendant parfaitement compte de l’énergie hystérique qui se dégage de la salle) et jeux de dupes (où il faut se coucher à tel moment pour faire grimper la côte). Le match de boxe attendu couvre la partie centrale du film, dans un style hyperréaliste et en quasi temps réel pendant seize minutes. Le combat devait se dérouler de telle manière (The set-up) mais Bill « Stoker » Thompson, le boxeur, ne l’entendra pas ainsi et fera le match de sa vie. Et le film qui semblait s’achever dans la peur et le règlement de compte cruel avec la pègre locale, passe par là mais s’achève sur une sorte de happy end archi surprenant rendant finalement grâce au titre français, en apparence complètement nul. C’est un long métrage très court (1h12) avec une telle intensité que j’en suis ressorti lessivé. Bref c’est magnifique.
JanosValuska
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le 29 nov. 2014

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JanosValuska

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