Nouvelle création de Lars Von Trier, Nymphomaniac, bien qu’il ait fait couler beaucoup d’encre sans presque jamais se montrer, mériterait d’avoir sa chronique qu’après un visionnage complet des deux volets du projet, dont sa suite sortira le 29 janvier prochain. Encore faut-il pouvoir patienter avant de pouvoir enfin écrire sur ce qui s’annonce être comme un des projets les mieux élaborés et aboutis de cette année. Fresque sexuelle d’une nymphomane sur cinquante ans de sa vie, le nouveau film du soit très critiqué soit ovationné Lars Von Trier s’impose comme à la fois comme un film brutal, dépressif et romantique, avec une virtuosité presque indécente.

Un film pornographique ? Oui, bien évidemment, Nymphomaniac en fait parti et bien que la censure soit quelque peu passée par là (la majorité des plans de pénétration ont disparus), il est évident que nous sommes face à un film qui ne se refuse presque rien. Mais bien loin de ce premier aspect qui pourrait paraitre repoussant pour certain(e)s, le nouveau projet quelque peu pharaonique de Lars Von Trier se constitue clairement comme une fresque moderne de la tristesse humaine et de sa quête perpétuelle de reconnaissance. Là ou tout le monde criait au scandale quant au présumé contenu du film à base de partouzes, séance sado-maso et plans ostentatoires de jouissance, il était simple d’oublier tout le talent que pouvait avoir le réalisateur à offrir au spectateur un film mesuré, réfléchi et sublimé, aussi bien par ses acteurs que sa réalisation.

Presque littéraire de part sa construction en chapitres, c’est avec une aisance incroyable que Charlotte Gainsbourg nous narre son récit, à la fois introspectif et à la fois mensonger, celle-ci se protégeant derrière des pseudonymes par peur d’être jugé par son auditoire qu’est le solitaire Seligman. A base de métaphores filées, le réalisateur offre à son récit une narration bienvenue, envoutante et douce qui se verra ponctuée d’éléments de montages habiles ou les différents protagonistes vivront chacun leur récit. Habile mélange de scènes adolescentes et de scènes nettement plus matures, Nymphomaniac, malgré la censure quelque peu imposée au créateur se trouve être parfaitement équilibré, réussissant parfaitement à conter son récit sans donner le sentiment qu’il manque quelque chose. Interprété par un panel d’acteurs surprenant allant de la surprise qu’est Shia Labeouf à la fantastique et boursouflée Uma Thurman ou encore un Stellan Skarsgard méconnaissable, la nouvelle création de Lars Von Trier n’ennuie pas, bien au contraire.

Mais outre l’aspect technique et narratif que représente un projet de cette envergure, c’est bien toutes les émotions, les idées et les relations qu’entretient le film avec son spectateur qui marque les esprits. Parfois pudique, parfois outrancier, le film conserve un côté humain rarement atteint qui place presque automatiquement le spectateur face à un miroir. Malgré son héroïne, il est aisé de retrouver chez elle des traits de personnalité assez communs et nécessaires à toute personne, que cela soit l’expérience pure du sexe en passant par la recherche véritable de l’amour à la volonté de se démarquer du moule sociétal.

Ici, le sexe n’est pas seulement l’acte, ou une drogue comme les autres poussant à faire n’importe quoi comme on pouvait le voir dans Shame de Steve Mc Queen, c’est aussi un moyen de distinction, un instrument manipulateur ou encore tout simplement l’ingrédient manquant à notre être. Plutôt que de se limiter au côté purement sexuel et irrespectueux de l’acte, Lars Von Trier à eu l’intelligence de mêler nombre de visions sur la question et par lesquelles son héroïne passera afin de forger son statut de femme. Il en résulte donc au final une première partie presque revendicatrice d’un point de vue féministe tout en étant un film romantique et dépressif car bien évidemment, et même si ce n’est pas l’élément central du film, le sexe peut également s’avérer destructeur.

Difficile d’en dire plus sur un projet tronqué car censuré et dont il manque en plus la seconde partie partie nécessaire pour réellement cerner l’intention finale de son créateur. Il en ressort malgré tout un film incroyable, envoutant et entêtant qui même après plusieurs jours vous restera dans un coin de l’esprit. Réussissant en plus la prouesse d’être par moment très cynique et de révéler le côté vicieux de tout un chacun, il est à l’image de la musique du film interprétée par Rammstein : brutal, symphonique et triste. On ne peut qu’en demander toujours plus, un peu comme le sexe.
Florian_Bodin
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le 8 janv. 2014

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Florian Bodin

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