Quelle claque! On peut dire ce que l'on veut de Von Trier, le détester, il y'a bien un chose qu'on ne peut lui enlever: son audace. Audace dans le sujet abordé et la manière de filmer l'acte sexuel évidemment, mais aussi audace dans la narration, dans l'utilisation de la musique, audace jusque dans la façon d'éclairer les acteurs et les décors!
Nymphomaniac, c'est d'abord ça: un concentré cathartique de tout ce qu'on a pas l’habitude de voire au cinéma.

On suit donc les pérégrinations de Joe, qui se définit comme "nymphomane", qui raconte sa vie à Seligman, énigmatique et rassurant personnage, qui se transforme en une sorte de psychanalyste à l'écoute des anecdotes de sa "patiente". Joe, qui a toujours vécu au gré de ses pulsions, sans réellement réfléchir sur elle-même, est désormais en quête de définition, alors, qui est-elle donc? Selon cette dernière, c'est un être méprisable: nymphomane, cruelle, détachée, elle a toujours vécu sans se soucier des autres, détruisant des couples ( ce qui occasionnera une scène aussi cynique que drôle et mémorable où l'un de ses amants débarque vivre chez-elle), rejetant les normes sociétales, méprisant le sentiment amoureux jusqu'à ce qu'elle en soit victime etc...

Vraiment? Seligman, son confident improvisé, va chercher à donner un autre sens à ses actes: pour lui, Joe s'assimile à une sorte de personnage poétique: parcourir un train avec une amie et faire l'amour à un maximum de passagers pour un paquet de chocolats? Une allégorie de la pêche à la mouche selon lui, et puis, c'est plutôt amusant et ludique, d'un certain point de vue. Tout au cours du film, la vision de Seligman, plus sensible, donnera un aspect quasi-lyrique à la vie de Joe. Et puis, Joe, au fur et à mesure, semble reconsidérer les choses, jusqu'à s'accorder avec son interlocuteur lors de la magnifique métaphore finale, qui recompose ses ébats avec ses amants préférés pour en faire une mélodie s'assimilant à un morceau de Bach.

Ce souffle lyrique parcourant toute la première partie de Nymphomaniac, transformant l'immonde en beauté, est une sorte de poème baudelairien, une ode à la transgression, à la laideur, au glauque, au sexe crade, et cette vision totalement désincarnée de l'acte amoureux, quel bonheur d'enfin voire ça au cinéma! On en ressort plus transcendé que gêné, avec l'impression d'avoir vu quelque chose de grand et avec une seule envie: voire la suite, et découvrir le dénouement de cette folie cinématographique!
JohnnyBlaze
8
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le 1 janv. 2014

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JohnnyBlaze

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