A l’heure où la récente menace de la bombe nucléaire coréenne pèse de tout son poids, à l’heure où l’on épuise toujours plus les ressources naturelles de la planète, les questions d’écologie et de responsabilité des dirigeants sont plus que jamais d’actualité. Quand la science fiction se montre curieusement proche de notre présent, cela donne Oblivion, second film de Joseph Kosinski. Le réalisateur nous propose sa vision pessimiste de notre bonne vieille planète.
En cette année 2077, la Terre a été vidée de tous ses habitants suite à une guerre ayant entraîné le recours à la bombe nucléaire. Décollage immédiat pour Titan et au revoir la Terre radioactive. Pour nettoyer ce bazar, une seule équipe : Victoria ( Andrea Riseborough ) et Jack ( Tom Cruise ), perchés dans une station dans le ciel. Pendant que monsieur redescend sur Terre pour entretenir les drones pompant les dernières ressources terrestres ; madame reste dans les nuages à surveiller la planète, infestée d’étranges créatures, d’en haut. Une « bonne équipe » en somme. Si le décor est planté dans un univers clairement futuriste ( nouvelles technologies ultra perfectionnées, machines aérodynamiques au design soigné, combinaisons à la Star Trek et puissance extraterrestre à l’appui ), le fond du film résonne comme un avertissement, un brin alarmiste. Entre arme nucléaire, conspiration et épuisement des ressources naturelles, nous pouvons voir dans ce film, à l’intrigue qui en perdra plus d’un, une critique de notre monde actuel.

« Encore une journée au paradis » répète, machinalement chaque matin, Victoria à Sally, sa supérieure du Tate, un tétraèdre spatial et extraterrestre représentant l’autorité suprême ( ne vous perdez pas en route ). Nous nous demandons bien où se trouve ce paradis quand la Terre n’est devenue qu’un immense désert. Tout n’est que désolation et poussière mais toutefois Jack s’est réservé son petit endroit personnel pour se ressourcer entre deux bricolages ( quand on pense être le seul humain sur Terre, autant ne rien se refuser ). Quelle surprise de voir au milieu des ruines, une charmante forêt, un lac et une cabane dans les bois, lieu cliché des escapades en pleine nature des films américains. Cet endroit n’est que le vestige d’un monde qui n’est plus, un morceau de nature précieux que Jack, le terre à terre, semble vouloir préserver. Mine de rien, il y est attaché à sa bonne vieille planète Terre.
Comme si détruire la surface de la Terre ne suffisait pas, des machines pompe l’eau restante pour créer de l’énergie vitale sur Titan. Rien n’est laissé à la planète, toute énergie vitale lui est retirée. Par cet épuisement des ressources et ce petit paradis perdu dans une petite forêt, nous voyons le reflet de notre propre comportement. Trouver un petit coin de verdure non pollué deviendrait un luxe. Aux vues des différents plans aériens survolant les dégâts, on s’attendrait presque à voir surgir Yann Arthus-Bertrand de derrière la caméra, nous sermonnant sur notre mode de vie dangereux et anti-écologique. Pour fuir ce désastre, la population a été envoyée sur Titan, satellite de Saturne, rien que ça. C’est bien joli comme solution, mais quand on voit qu’on surpeuple déjà la Terre, comment croire à un exil sur une planète deux fois plus petite ? A moins que seuls les Américains aient été sauvés, comme dans beaucoup de films catastrophes, ce qui expliquerait tout.

«Croire», c’est peut-être le verbe qui caractérise le plus le film. D’abord car dans tout film de science fiction il faut accepter de croire en la vision futuriste qui nous est proposée pour rentrer dans l’histoire. Ici, nous est suggérée une guerre monumentale en 2017, de quoi vous donner de l’espoir en l’avenir proche. Accrochez-vous, plus que 4 ans à vivre. Ensuite, Oblivion évoque la conspiration, le mensonge masqués par l’oubli. Les apparences sont toujours trompeuses et tout peut et doit être remis en question. Cet état de doutes où est plongé Jack Reacher après avoir assisté à un crash de navette, outre le fait qu’il reflète notre propre incompréhension face à une intrigue oscillant entre notions simplistes ( faut pas faire du mal à la planète et les extraterrestres c’est méchant ) et révélations complexes, nous pousse à nous poser des questions. Qui croire ? A qui faire confiance ? Une atmosphère de lourdeur imprègne peu à peu le film au rythme des découvertes de Jack ( et des lenteurs du scénario ).
Le Tate, la plus haute autorité, n’est pas sans rappeler la puissance des gouvernements qui semblent avoir le destin du monde en main. Malheureusement, cacher la vérité ou user de fausses intentions sont des maux de notre temps et le restent visiblement en 2077.

Passant de Jack Reacher, le militaire ( 2012 ) à Jack Harper, sorte de Bob le bricoleur spécial drones, Tom Cruise nous entraîne alors dans sa quête de vérité. Le personnage de Jack Reacher n’est, au passage, pas sans rappeler le jeune Maverick de Top Gun quand il enfourche sa moto high tech dans une vue aérienne, laissant ses Ray ban dans sa cabane en bois. Eh oui, 2077, ça ne rajeunit pas ce bon Tom.
A partir de la rencontre avec une Olga Kurylenko transparente et insipide, les éléments s’enchaînent dans un méli-mélo de révélations et si ce n’était pas déjà fais avant, nous nous perdons dans la galaxie. A travers ce personnage en plein doute sur sa condition, sur sa propre identité et sa propre utilité dans ce monde, nous réfléchissons à notre propre condition ( il faut bien s’occuper ). Ne sommes nous pas, au final, les moutons d’une société qui nous ment sans arrêt ? Sommes-nous condamnés à l’avenir, à n’être que des machines au service d’un gouvernement qui se moque des populations ? La résistance est-elle la solution ? En voilà de bien pessimistes pensées mais nous décrochons si facilement de l’histoire que notre esprit part loin dans la stratosphère.

Oblivion est donc un film, sous ses apparences de science fiction, très contemporain, faisant porté, comme tout bon film américain, presque le destin de l’humanité sur les petits bras d’un seul homme. Il n’est tout de même pas le premier à se la jouer science fiction «écolo-alarmiste». Avant lui, le spectateur aura eu le droit au très pénible et moralisateur Avatar, le Pocahantas du futur, ou encore au beau Wall-E, seul résidant d’une terre délaissée par ses habitants. Bien qu’il tente de nous faire réfléchir, Oblivion reste un film américain sans grand renouveau que, très vite, nous oublions.



Morgane Jeannesson
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le 17 avr. 2013

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