Okja
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Okja

film de Bong Joon-Ho (2017)

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OKJA (15,4) (Bong Joon-Ho, COR, 2017, 118min) :


Magnifique fable vegan anticapitaliste contant le destin d'Okja, un super cochon crée en laboratoire (100% bio et sans OGM) puis élevé pendant plus de dix ans par Mija jeune fille vivant dans les montagnes de Corée du Sud avec son grand-père. Découvert en 2003 avec l'immense référence Memories of murder (qui ressort en salles remasterisé) le réalisateur ne cesse de se confronter à un cinéma de genre pour dénoncer les pouvoirs, les maux et les mensonges de la société d'une manière assez politique. Pour son nouveau projet financé par la major Netflix (plateforme reine des séries et de la VOD en ligne) impliquant quasiment une non diffusion dans les salles de cinéma, le cinéaste s'empare à nouveau de la science-fiction pour dénoncer le consumérisme alimentaire. Dès la scène introductive le réalisateur choisit l'angle de la satire où l'on découvre la PDG (héritière d'un magnat sans scrupule) d'une multinationale (ressemblant à Monsanto) dévoiler devant la presse le nouveau produit de la firme. En l'occurrence un cochon aux allures d'hippopotame dont 16 spécimens seront dispatchés dans le monde afin d'être élever au mieux par diverses coutumes selon les pays et au final participer à un concours télé sur dix ans afin d'élire à la fin le super cochon ! Les premières séquences sont somptueuses au milieu des forêts et des montagnes où l'ombre de Mon voisin Totoro (1988) de Hayao Myazaki plane sur la beauté aquarelliste des paysages et sur la forte amitié qui lie la petite fille avec cet animal. Une vie en harmonie. Jusqu'au jour où l'exubérant présentateur vedette de l'émission télé vient récupérer le cochon. Le film bascule alors dans un autre rythme où la fresque devient aventureuse alors que Mija aidé par un groupe de libéralisation des animaux (FLA) tentent par tous les moyens de libérer la cochon de l'enfer qui lui est promis...Là où dans la première partie la caméra se posait avec virtuosité sur un pied d'égalité entre humain et animaux la mise en scène change aussi de point de vue et la narration devient moins subtile pour devenir plus efficace. Le récit pertinent dans son propos en offrant une ode écologiste et un salutaire plaidoyer anticonsumériste à outrance force malheureusement un peu trop le trait avec des séquences limites cartoonesques desservant ainsi un peu l'enjeu dramatique au travers de cette épopée aventureuse au cœur de la ville où l'aliénation n'est pas loin comparé à la sérénité de la montagne coréenne. Bong Joon-Ho s'appuie sur un casting très bien étudié, à commencer par la révélation du film l'épatante et émouvante Ahn Seo-hyun (Mija). Le reste des acteurs est au diapason avec la présence de l'effrayante et excellente Tilda Swinton (avec une double incarnation), le (trop?) surexcité Jake Gyllenhaal et l'impeccable Paul Dano. Ce long métrage ambitieux propose du cinéma total, où chaque plan abonde d'idée ou de beautés visuelles de toutes sortes. L'animation numérique d'Okja est si éblouissante qu'elle en devient réelle et cela crée chez le spectateur une empathie instantanée. Un esthétisme constant qui accompagne aussi bien les scènes bucoliques que les scènes d'actions. L'autre point fort du projet réside dans le mélange régulier de la drôlerie et des moments plus dramatiques, au cœur des scènes d'actions jusqu'au final assez convenu. De manière toujours sincère mais parfois un peu grossière, et sans un scénario très surprenant, le cinéaste nous expose une œuvre miroir de notre société ou animaux comme humains s'apprêtent à être découpés ou broyés sous la barbarie des grands groupes capitalistes. Un cri d'alarme en résonnance avec le film d'anticipation Soleil vert (1973) de Richard Fleischer et le documentaire choc Le sang des bêtes (1949) de George Franju, un constat en faveur d'un autre mode d'habitude alimentaire, un véritable plaidoyer vegan à découvrir de toute urgence (sur une plateforme mondialiste), avant que d'autres créatures remplacent pour de vrai Okja. Burlesque. Brutal. Humaniste. Émouvant.

seb2046
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le 4 juil. 2017

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