Okja
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Okja

film de Bong Joon-Ho (2017)

Voir le film


  • Mon sentiment avant le visionnage :


A qui s’adresse le discours ? Film radical, familial ou éducatif ?
Ma seule appréhension était l’apport émotionnel et à quoi va servir le mélange US/Corée du Sud ?


Bong Joon-ho Artiste que j’aime beaucoup découvert grâce à Mother sorti en 2009.
Oui je l’aime beaucoup et les raisons commencent à s’affiner.


Je concède qu’il y a des raisons un peu légères comme ses origines sud-coréennes et le fait qu’il partage des traits physiques avec un excellent professeur de faculté nommé monsieur Jean-Philippe Trias, mais surtout que je suis une addict des dramas asiatiques, particulièrement de la Corée du Sud et du Japon. Mais ce qui me fait suivre particulièrement ce réalisateur, c’est avant tout parce qu’il réalise des oeuvres utiles.


Des oeuvres pour l’instant qui offrent à la fois, une finesse psychologique, de la poésie parfois avec un zeste de mélancolie, une analyse sociale toute en nuances ainsi qu’une philosophie de vie qui se rapproche au plus près de l'équilibre existentiel.


En très peu de temps et avec toutes les difficultés liées à l’industrie cinématographique et les complications éco socio-politiques, il parvient tout de même à développer une très belle signature, un style visuel unique et une aisance pour mélanger des genres (drame, thriller, action, comédie, science-fiction) dans des histoires qui reflètent des commentaires sociaux et une affection pour les personnes de tous les jours comme personnages de premier plan.


En 2017, il nous revient donc avec OKJA qui est issu d’un genre que j’affectionne énormément à savoir un film d’aventures fantastique qui suit la relation d’un humain et d’un être issu d’une autre d’espèce.



  • Éléments essentiels du film :


Le pouvoir de la communication & de l’importance de la compréhension.


Un des plus graves problèmes de notre société est son espèce d’hypertrophie, cette gigantosité que prônent certains où le profit passe avant le reste et où la raison est quasi opprimée. Pourtant, une raison qui passe par une production à taille humaine, locale, respectueuse de la nature et du bien-être animal. En somme, 
revenir à des pratiques locales, au plus près des consommateurs, pour une production selon les besoins, est certainement la meilleure façon de ramener un peu plus d'humanité, moins de souffrance par des pratiques dont le bien-être animal doit être respecté jusqu'au bout !


C’est donc dans notre intérêt de traiter de cette réalité à travers l’art, en l’occurrence avec un film comme Okja. Je n’avais donc pas l’appréhension que ce soit un film qui partage un message exclusivement Veganiste, Végétarien ou pro-moralisateur pour les carnivores car la situation est tellement dramatique qu’il est toujours bon de se le rappeler. Je désirais cependant un discours équilibré, juste et éducatif.


Mazeltof, Bong nous soumet un film qui offre suffisamment de place pour l’équilibre de la pensée, on ne critique seulement ce qu’il y à dénoncer et à ne plus produire. À savoir la surconsommation, la cruauté, la névrose psychotique du profit et de l’ego suprématie.
Un discours tout en nuances, à l’image de la complexité de l’espèce humaine.



  • Les Personnages (Quelle joie intense de retrouver des acteurs de dramas que j'adore) :


Okja ;


Tout est à son échelle dans le premier quart d’heure.
Sorties du cadre pendant toute la frénésie visuelle pour à la fin lui réapproprier son cadre. L’intelligence est souvent perceptible par sa forme simple.
J’ai toujours en moi mon âme d’enfant et il a souvent maugréé, réclamé Okja qui effectivement n’était pas assez à l’écran. Un visage et un regard qui me fait penser à une adorable jeune chienne avec un corps d’éléphant. Je n’ai vu qu’un cochon dans le film


(le bébé sauvé par la force de l’amour de ses parents dans le camp d’extermination).


Mija : An Seo Hyeon


Pour moi elle est rafraichissante car elle présente une personnalité Amazonienne, aucune faiblesse flagrante à part peut-être son humanisme qui est à la fois sa force mais qui la pousse toujours à être à deux doigts de trépasser, d’être paraplégique. Bref, elle a un but à atteindre qu’elle suivra contre vents et marées et point de temps pour quoi que ce soit d’autre (exemple : éduquer ces foutus d’adultes). La composition et mise en scène épousent son aspiration.


Personnage malgré son jeune âge hyper malmené, visage tuméfié, manipulé....


Malgré tout ceci, on ne peut pas lui enlever la noblesse de sa morale, de son éthique. Elle nous transmet une philosophie originale car minimaliste qui est de « ne pas nuire aux autres, rien de plus…"


Certains peuvent se demander ce qu’on gagne à faire maigrir la morale. De la clarté avant tout, selon Ruwen Ogien. (un philosophe libertaire « anar » français, né dans une famille d'origine juive polonaise, survivante de la Shoah. (d’où mon double choix de citer ce philosophe en particulier).


- Byeon Hee-bong -> hee Bong


La situation des agriculteurs, est un des paradoxes les plus grinçants. En effet, ce sont les plus importants dans l’échelle du système humain, mais pourtant les paysans sont extrêmement mal considérés que ce soit sur le plan économique que sociale.


Mirando = Mosanto


C’est une entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles. Qu’est-ce que c’est cette affaire-là ? La biotechnologie ??? La biotechnologie, ou « technologie de bioconversion » c’est choupi on parle d'un mariage entre la science des êtres vivants et un ensemble de techniques nouvelles issues d'autres disciplines telles que la microbiologie, la biochimie, la biophysique, la génétique, la biologie moléculaire, l'informatique…


Et en particulier les techniques issus de la transgenèse, permettant d'intervenir sur le patrimoine génétique des espèces pour le décrypter ou le modifier (voir Okja pardon je me corrige : VOIR organismes génétiquement modifiés).


Tilda Swinton -> Lucy/Nancy Mirando


Elle gère super bien sa gémellité.


Le Front de Libération Animale :


Où commence la violence ? Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, dès leur apparition j’ai été à la fois amusé, soulagé par leur apparition mais avec un arrière de gout de .
Violence de nier la liberté d’autrui, nier son libre arbitre en lui imposant sa volonté sous couvert de son éthique. L’enfer est pavé de bonnes intentions.


A partir de là, c’est l’escalade, puisque l’équipe du front de libération animale qui se veut donc non-violente, va nous dévoiler les limites pacifistes de son propre leader Jay incarné par Paul Dano. Ce dernier perd son contrôle en frappant Key lorsque celui-ci ne respecte plus les règles et quelques scènes plus tard, on atteint le non-retour quand ce même leader tente de frapper Okja avec une barre de fer (toujours avec le même sous couvert, c’est pour protéger l’autre). Heureusement, il y a plus mature et plus équilibré que lui.


Une scène absurde volontaire oui, mais qui chez moi aurait mieux marché s'il ne s’agissait pas d’une pomme transgénique.
Dans la scène des présentations, Blondie donne une pomme à Silver car il est sous-alimenté au vu de ses convictions alimentaires et écologique. Effectivement, je n’ai pas compris le pourquoi du comment. En effet, ils ont des produits OGM entre leurs mains . Ne sont-ils pas censés avoir leurs potagers ? où au moins se fournir auprès des agriculteurs locaux qui cultivent sainement leurs nourritures ? Hormis cette scène, j’ai affaire à des semi-pro, mais là tout à coup j’ai le sentiment d’être avec des amateurs, avec pour trois personnages de sérieux troubles psychiques et je commence encore plus à m’angoisser pour mes deux amies.



  • Les Concepts / Thématiques :


Les nuances comportementales humaines donc pas de jugement, pas d’étiquettes fixes, rien n’est définitif et manichéen.


La gémellité dans le film sert l’idée de l’interchangeabilité politique et ça j’aime beaucoup, on prend les mêmes et on recommence mais on nous donne des éléments de réflexion ou au pire on nous confirme nos propres analyses.


La traduction est sacrée !!!


Une partie de ce qui rend Okja tellement remarquable est que Bong Joon-ho a trouvé des moyens de faire des blagues qui suivent les deux sphères culturelles.


En effet, certaines parties du film sont différentes entre les sous-titres en coréen et en anglais. Dans les sous-titres anglais de Netflix, Key dit :  »Mija, essayez d'apprendre l’anglais, ça vous ouvrira des portes. »


En réalité il lui dit :
" Comment est mon coréen Mija ? de plus, je m’appelle Koo Soon-bun. »
En fait, ce sont les sous-titres que le réalisateur a délibérément échangé avec le scénariste. Selon l' interview du réalisateur , j'ai sauté dans la rivière Han et j'ai sauté dans la scène sans y penser. J'ai donc parlé à John Ronson, qui a écrit le scénario co-écrit, et a dit qu'il a mis un autre sous-titre.


C'est drôle si vous êtes coréen ou si vous comprenez le hangeul, parce que c'est un nom stupide car il est intraduisable. C'est comme, le décollage de la comédie, l'abîme entre les pays. "



  • Sentiments après visionnage :


Plateforme Netflix + et - :


Pour une chronique c’est hyper pratique, tu as accès au film tant qu’il est dans le catalogue.
Modernité du ton sur un sujet encore tabou et grinçant. Modernité de l’accès à l’oeuvre.
Version 100% Coréenne ?


Avec Amazon les cinémas ont un délai de 90 jours donc pourquoi cette politique chez Netflix


Je vais donner la parole à Christopher Nolan :



« Si tu fais un film théâtral, c’est pour qu’il soit joué dans des
salles de cinéma. […] J’ai grandi dans les années 1980, à l’ère de la
naissance de la VHS et du cinéma à la maison. Or, le pire cauchemar
d’un réalisateur dans les années 1990 était que son studio fasse
volte-face et lui dise : 'Tu sais quoi ? On va directement sortir ton
film en cassette, plutôt qu’au cinéma.' Cela a toujours été fait. Il
n’y a rien de nouveau là-dedans."




  • Les références :


a) Cinématographiques et Historiques :



  • L’aile ou la cuisse : avec le personnage de Jacques Tricatel qui est librement inspiré de l'industriel français Jacques Borel, le « Napoléon du prêt-à-manger » incarnant la malbouffe des années 1970 notamment au travers de ses restaurants d'autoroute.


  • E.T. de Spielberg 1982 (mon année d'arrivée sur terre comme par hasard...)


  • Le Meilleur des mondes possible est un film anglo-américain réalisé par Lindsay Anderson, sorti en 1973


  • L214 éthique et animaux, est une association française végane et de défense des droits des animaux. https://www.l214.com



b) Les critiques :


Clin d’oeil à l’étiquette de Terroriste que se trimballe les êtres qui se battent pour rétablir la justice et l’humanisme.


Dans le film, le pic est lancé lors de la course-poursuite par le front de Libération Animale à Mundo qui se trouve dans le camion conduit par Kim Gun interprété par l’acteur sud-coréen choix woo shik . Le front tente de les rassurer et surtout qu’il ne pas créer d’amalgame en leur précisant bien qu’ils ne sont pas des terroristes. Mais Mundo les considère comme des terroristes malgré tout.


On peut faire le lien avec la fameuse remarque de Max Roustan qui avait suite à l’affaire de l’Abattoir d’Ales dit à propos de L214 qu' « une association qui va aussi loin, c'est du terrorisme, c'est carrément du terrorisme ».


On se doit de rappeler à ces personnes que le terrorisme est l'usage de la violence envers des innocents à des fins politiques, religieuses ou idéologiques.


Les black chalks (la milice privée de Mirando) qui, dans le film, se disent en bons termes avec la police de New York il évoque une firme qui existe réellement et que Bong Joon-ho ne peut en aucun cas nommer et qui détient sa propre sécurité elle aussi, aussi puissante que celle d’un gouvernement.


Ici sur Sens critique, pas de langue de bois. Il s’agit bel et bien de l’Academi la société militaire privée américaine précédemment connue sous le nom de Blackwater Worldwide. Oui au XXème siècle les mercenaires perdurent !!!


Une autre allusion et pas des moindre puisque 'Okja' comprend carrément une reconstitution de la fameuse photo d’Obama qui regarde la neutralisation de Ben Laden depuis la ‘situation room’, avec Giancarlo Esposito à la place du Président et Lucy Mirando à celle de Clinton.


Ici Bong se moque de la manière dont les grandes sociétés font face aux fiascos de la presse. Un humour visuel dont je suis particulièrement friande.


La première à relever cela est L’éditrice Hunter Harris elle a partagé un montage photo sur son compte twitter.


https://twitter.com/electrolemon/status/873725877678252033



  • CONCLUSION :


Film qui mérite d’être accessible au plus grand nombre mais ça ne sera pas le cas malheureusement, au ciné il ne sort normalement qu'en Corée du sud, aux États-Unis et enfin le Royaume-Uni.


Film familiale et humaniste donc la salle obscure est parfaite pour partager son message humaniste. Personnellement, je le rajouterai au programme cinématographique à diffuser dans les salles de classe à partir de la dernière année de primaire (à faire au cas par cas on n’a pas toutes les mêmes sensibilités).


Common sans médias qui est une association à but non lucratif le propose à 16 ans (mais comme la sensibilisation à la cause animale passe par une prise de conscience violente, on le laissera visible à 10, mais il faudra accompagner l'enfant).


La chronologie des médias montre plus clairement aux spectateurs ses limites et ses défauts et les droits en fonction des régions.


Merci si vous avez pris le temps (peu importe sa durée) de me lire et de partager vos avis :)


Florence Burgat, philosophe et directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique, revient sur l'histoire alimentaire d'Homo sapiens.Florence Burgat : "L'homme est physiologiquement omnivore"La thèse dite de l’hominisation par la chasse a eu son heure de gloire dans les années 1960 : elle stipule que l’apport en viande tout autant que la confrontation avec l’animal auraient construit l’être humain en développant son intelligence et sa sociabilité. Il n’en est rien ! Il a été établi que dès les premiers âges, celui-ci a surtout été un opportuniste et un charognard, et qu’il était même parfois cannibale.


La traque des grands animaux n’intervient qu’au paléolithique supérieur, alors qu’Homo sapiens est vraisemblablement apparu plusieurs dizaines de milliers d’années auparavant. Celui-ci pratique également la cueillette, activité qui développe aussi son intelligence. L’homme n’est donc pas carnivore par nature : il est physiologiquement omnivore. Son régime — qui par définition n’exclut rien — est indifféremment composé de végétaux et d’animaux. Le fait que cette image dépassée et fantasmée des hominidés puisse fournir la norme des sociétés contemporaines est totalement délirant. Aucun point de comparaison ne permet de fonder notre hyperconsommation carnée dans la quête toujours incertaine de nourriture des premiers hommes.

Créée

le 10 sept. 2017

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