Avec le temps, va, tout s'en va ...

En premier lieu, il faut oublier cette histoire de twist.
M Night Shyamalan ne fait pas de twists, il fait des mystères. Les révélations sont parfois telles qu’il y a un twist mais ce n’est pas le but premier.
Ce film n’a pas de twist. Il a un mystère, angoissant, et une révélation bienvenue mais qui ne fait pas trembler la terre.
Il faut se sortir de la tête ce schéma injuste qui place des attentes sur les films de ce réalisateur, qu’il n’a pas à remplir d’une part et qui de toute façon ne sont pas son modus operandi.


Car Shyamalan a un mode opératoire, il a des thèmes, des techniques de narrations, des tics parfois et il raconte avant tout des histoires.
On peut noter que pour ce film, s’il garde ses fortes thématiques, il change de langage visuel car son vocabulaire commençait à ce voir et il brouille un peu les pistes.


Quand un film s’appelle Old, le thème se voit de lui même. Mais en fait pas vraiment.
La vieillesse n’est pas au centre des préoccupations du réalisateur, elle est importante car elle est le résultat du temps qui passe.
C’est l’avance du temps, inéluctable qui occupe Shyamalan dans ce film.
De manière accélérée pour une bonne grosse angoisse existentielle.


Ceci est un film d’horreur, pas version slasher et jumpscare, mais psychologique.
L’angoisse est palpable et le stress bien présent.


Des personnes, apparemment lambda, de tous âges et tous horizons, se retrouvent sur une plage isolée et se rendent compte à un moment donné qu’ils ne peuvent en partir pour une raison inconnue. Ce qui est plus inquiétant c’est que les enfants grandissent à une vitesse plus qu’anormale. (contrairement à ce que j’ai pu lire, le temps qui passe n’est pas différent pour les uns et les autres, c’est juste qu’un enfant qui grandit de plusieurs années en une demi journée c’est plus flagrant qu’un adulte qui passe de 30 à 40 ans).


Shyamalan a un talent intrinsèque, qui je pense est ce qu’il cultive, c’est la capacité de mêler réalisme et fantastique de manière invisible.
Ici, tout semble normal, terriblement normal à tel point que l’arrivée dans l’hôtel est presque la chose la plus angoissante du film. C’est peut-être aussi parce qu’on sait qu’il y a forcément quelque chose qui cloche et que c’est le but du film mais il y a une telle normalité forcée que c’est flippant.
On retrouve dans cet environnement civilisé les codes habituels du cinéma de Shyamalan, la verticalité qui sépare les personnages dans le cadre, le bon à droite, le mauvais à gauche entre autre.
Et puis sur la plage, plus de repères. La caméra semble parfois ne plus savoir que faire tant cet univers est ouvert et pourtant bloqué par cette falaise étrange. Elle passe d’un personnage à l’autre revient en arrière, comme un balancier d’horloge, perdant parfois celui qui parle pour le retrouver changé.
Shyamalan étend son vocabulaire cinématographique, change ses codes visuels et perd sa caméra normalement si sure dans cet environnement sauvage et meurtrier.
Le temps. Voilà l’ennemi, invisible, inodore, incolore, insidieux. Le temps qui vole les minutes passées mais qui offre les minutes futures.
Shyamalan regarde l’humanité qui grandit et vieilli et l’on voit en peu de temps ces évolutions que l’on rate quand elle sont lentes.
La fougue de la jeunesse, son inconscience, la maturité protectrice ou débilitante, la sagesse de la vieillesse.


La casting est impeccable. Pas de grande tête d’affiche mais c’est mieux ainsi dans ce huis clos où les personnages doivent être eux même, mais de bons acteurs.
J’ai une mention particulière pour Rufus Sewell (que j’aime toujours beaucoup) avec un rôle peut-être un peu plus difficile que celui des autres, qui laisse planer le doute entre maladie mentale et "c’est un très gros abruti".


Et bon sang le boulot pour trouver des acteurs enfant/ado/jeune adulte/adulte qui se ressemblent est impressionnant. A aucun moment, je n'ai douté de la continuité des personnages.


Le microcosme fonctionne bien et le spectateur se demande tout au long du film pourquoi eux. Ce n’est même pas pourquoi ils sont là, c’est pourquoi eux.


C’est peut être là où le bât blesse.
Certains indices sont donnés quant à la situation, très peu, et ils ne servent finalement pas à la construction du film. Ce qui offre une résolution choquante certes par ses implications mais qui manque de tension.
Le film construit bien sa tension dans l’instant mais pas dans sa conclusion. C’est un peut dommage. La fin n’est pas décevante mais elle aurait pu être mieux préparée et dosée.
Ce qui tend à prouver que ce n’est pas ce qui intéresse Shyamalan.
Tout comme le temps s’accélère, le film, dont le rythme est pourtant lent, est en accéléré et parfois un peu trop. Ils acceptent leur situation vite et sans hystérie débordante, la conclusion sur le phénomène en cours est rapide. Il y a des tentatives de pose pour décortiquer la situation mais il y a toujours quelque chose qui interrompt cette pose et oblige les personnages à avancer coûte que coûte sans pouvoir finalement réfléchir.
Et je comprends qu’ils n’ont pas le temps, c’est le but, mais c’est parfois un peu rapide.
Ils récupèrent trop vite de certains évènements.
Il est établi que l’avancée du temps qui les fait vieillir influe aussi sur leur maturité. Les enfants de 6 ans ne se comportent pas comme des enfants de 6 ans à l’adolescence. Ils ont manqué de temps pour avoir les connaissances nécessaires à cet âge mais leur maturité émotionnelle est raccord. Alors peut être que la gestion du chagrin, par exemple, est elle aussi accélérée mais on a plutôt une impression de manque d’incidence des évènements ponctuels.
Cela ne rend pas le film mauvais mais un tout petit peu moins bon à mon goût.
Il prend pourtant le temps de mettre en avant que certaines choses qui semblent si importantes et grosses à un certain âge deviennent insignifiantes au bout de quelques années et d’autres choses de la vie. Il prend le temps de le faire mais passe sur d’autres. C’est dommage.


Comme disaient les romains : toutes les minutes blessent, la dernière tue.
C’est bien vrai et c’est pas joyeux à voir. Mais bon sang c’est efficace parce que c’est universel.

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le 4 août 2021

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Anilegna

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