« Il y a cent ans, on condamnait un officier car il avait le tort d'être juif, aujourd'hui on condamne un jardinier car il a le tort d'être maghrébin. « (Jacques Verges, défenseur d’Omar Raddad) C’est ce pieux parti pris idéologique et cet énoncé programmatique déclamé il y a 20 ans qui sert de matrice au film, donnant une version entièrement à décharge de l’accusé, transformant une affaire criminelle de droit commun en une série de grosses ficelles dignes d’un pamphlet politique, pour en arriver aujourd’hui à la sanctification médiatico-artistique que l’on sait.Servi par la puissance rhétorique d’une chape d'humanisme convenu et ignorante qui n’a que faire de la complexité du réel, soumettant toutes ses contradictions au récit édifiant et magnifiant d’une erreur judiciaire, argumenté sur le modèle d’un sophisme implacable, Omar raddad n’est pas coupable du meurtre de Ghislaine Marchal car il est forcément innocent ; il est forcément innocent parce qu’un ouvrier marocain accusé d’avoir assassiné une grande bourgeoise européenne est naturellement, inévitablement, infailliblement, nécessairement victime d’une cabale judicaire raciste.CQFD.De ce double postulat irréfragable( l’innocence de Raddad et la culpabilité d’un Etat motivé par des relents racistes) le second est le plus important car il sert non seulement de combustible quasi-exclusif à la motivation du premier, mais il octroie en sus une portée politique à la fable qui dépasse le seul cas de Raddad pour atteindre la dimension de réécriture historique que voulaient de toute évidence lui conférer ses auteurs.Question : où se trouve le cinéma la dedans ? En fait il n’émerge à aucun moment de la plaidoirie militante ou l’a confiné Roschdy Zem, où la figure de la vraie victime (Mme Marchal) n’apparait jamais, noyée qu’elle est dans un déluge de sentimentalisme melliflu tout entier au service de l’image flatteuse, misérabiliste, incroyablement complaisante, magnifiée à chaque instant d’une victime expiatoire d’une soi-disante machine judicaire infernale, pseudo nouvelle affaire Dreyfus qu’il s’agit de monter en épingle pour mettre à l’index des méchants désignés par avance : l’institution judiciaire bien sûr, mais aussi et surtout la nation France , son histoire plus ou moins récente et le sort de citoyens de seconde zone qu’elle aurait réservé à (certains) de ses immigrés.Le récit ô combien hagiographique n’a dès lors que faire des pièces à charge, de l’absence de combativité de la défense lors du procès, ou de celui du manque de connaissance du dossier par maitre Verges, puisqu’il ne vise qu’ à combler un appétit humain de cohérence fictive et de gratification narcissique, ennivrés qu’il est dès le départ par la certitude absolue d’une hostilité ontologique de la France vis-à-vis de ses derniers arrivants.Les médias ont bien entendu bu le film comme on boit le nectar envoutant du manichéisme triomphant de ses propres contradictions, n’ayant au demeurant que faire de la grâce de Jacques Chirac dont bénéficia l’accusé à la suite d'une démarche personnelle d'Hassan II, roi du Maroc,.Car ici il ne s’agissait pas de faire honneur à la complexité d’un personnage et de celle d’une instruction, mais encore une fois de pointer un doigt accusateur d’un côté et faire acte de contrition et se couvrir la tête de cendre de l’autre.Quand on pense à la subtile intelligence qu’avait conféré Preminger au film à Procès avec le très fin « Autopsie d’un meurtre »..