Guerre et amour (et vive les animaux !)

Après une longue absence en tant que réalisateur de fiction (10 ans, quand même), Emir kusturica revient avec un film inégal, où se mêlent dans un grand bazar généreux et truculent, le sublime et le "mouais bof, pas terrible" ainsi que le "aie, oui là c’est peut être un peu too much".


Coté sublime, le bestiaire croquignolet, composé d’un faucon qui danse le moonwalk, d’un serpent qui boit du lait et sauve les humains, d’ oies qui plongent dans une baignoire remplie de sang de cochon, d’un âne intrépide, d’une poule obnubilée par son miroir, d’un ours et de chats gourmands, de moutons explosifs, d’ abeilles protectrices, de mouches, d’un papillon, d’une vache, d’un lapin…
Des seconds rôles savoureux, avec une mention spéciale pour l’impétueuse et pulpeuse Sloboda Micalovic, qui fait un peu d’ombre à Monica Bellucci, dans la première partie.
Une caméra qui vole dans les airs, plonge dans une rivière, dévoile des paysages magnifiques.
Des scènes très réussies comme la première, avec le faucon, les rencontres entre Kosta et le serpent, Kosta sur son âne traversant la mitraille protégé par son parapluie, la fête avec une Milena volcanique et torride, la scène désopilante de l’oreille, l’horloge qui fait mal, la plongée sous marine, les moutons avant l’explosion ..


En fait, le début est plutôt réussi, même si c’est parfois un peu excessif et si le casting Kusturica/Bellucci qui a certainement permis de financer le projet, ne convainc pas vraiment. On est plus à se dire "Elle a beau être ridée, elle est encore belle Monica" ou "Il a une bonne tête cabossée ce Kustu quand même" que de croire en leurs personnages et à leur histoire d’amour.


Mais c’est à partir du moment où "les hommes en noir" surgissent pour tuer tout le monde que les choses se gâtent. Tout l’Univers fantasque de Kusturica s’en trouve détruit et on assiste alors à une course poursuite un peu lourde entre les méchants militaires (de l’Otan) et les amoureux hypothétiques. Il y a encore de très beaux moments, comme la traversée de paysages superbes, les scènes sous marines et le début de la scène des moutons (sauf que malheureusement quand celle-ci tourne au massacre, ça devient glauque).


On a donc une première partie très fraiche, avec des animaux enchanteurs, de la folie et de l’humour, puis, après une heure, on change de genre en passant au tragique teinté de lyrique, avec des soldats grotesques pourchassant sans relâche des amoureux peu crédibles, pour accoucher d' une morale naïve, "seul l’amour peut répondre à la barbarie".


C’est sans doute son aspect politique, qui présente les soldats de l’Otan comme des méchants implacables et pathétiques, qui lui a coûté sa place à Cannes, mais la faiblesse du scénario et le manque d’incarnation de l’aventure amoureuse ont certainement fini de convaincre les sélectionneurs de ne pas prendre ce film, en dessous de ceux que le double palmé présente habituellement en compétition.
Cependant, même si ce dernier volet de Kusturica est un peu raté et pas suffisamment maitrisé, il comporte aussi de très beaux moments de cinéma, ce qui n’est pas donné à tout le monde et est toujours appréciable.


Si vous avez un animal de compagnie, je vous recommande chaudement de l'amener avec vous, il sera certainement ravi. En revanche, évitez de montrer le film à votre mouton, qui risquerait de ne pas trop apprécier la scène où ses congénères jouent à saute moutons.


Note : 6,5

Roinron
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le 4 août 2017

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