e neuvième film de QT (censément son avant-dernier puisqu’il a toujours dit qu’il s’arrêterait à dix longs métrages) arrive quatre après la réception contrastée de son huis-clos western nihiliste Les Huits Salopards . C’est son premier film depuis Reservoir Dogs à ne pas être associé au producteur Harvey Weinstein, après que Tarantino ait rompu ses liens avec The Weinstein Company à la suite d’accusations de violences sexuelles contre ce dernier. C’est David Heyman producteur des Harry Potter et de Gravity qui lui succède , Sony Pictures ayant obtenu les droits de distribution suite à une lutte acharnée avec Warner Bros. après avoir satisfait à plusieurs demandes de Tarantino, notamment le privilège du final cut (et 25% des recettes) pour ce qui est avec un budget de 100 millions de dollars le film le plus cher de sa carrière . Il faut dire que le film est vendu avec un casting en or massif avec à sa tête le duo Leonardo DiCaprio -Brad Pitt pour leur deuxième collaboration avec le réalisateur et dans le premier rôle féminin la star montante Margot Robbie qui incarne Sharon Tate. Mariée au réalisateur Roman Polanski, l’actrice a été assassinée chez elle par les membres de la « famille », la secte dirigée par Charles Manson, le 9 août 1969 à Los Angeles alors qu’elle était enceinte de huit mois. Once Upon a Time in Hollywood, si il se déroule autour de la date de ce meurtre atroce, qui marque pour beaucoup la fin de l’age d’Or Hollywoodien, est loin d’être un film macabre ou désespéré , c’est même le plus lumineux de son auteur même si il est empreint d’une grande mélancolie.


Quentin Tarantino fige dans l’ambre de la nostalgie un Hollywood fantasmé, celui de son enfance, dont il offre une reconstitution élégiaque et fétichiste qu’il peuple aussi bien d’archétypes comme les personnages de Rick Dalton (DiCaprio) qui s’inspire de Burt Reynolds , ancienne vedette de série qui se retrouve dans des rôles de guest-star après que sa tentative de transition vers le cinéma ait échoué et Cliff Booth (Brad Pitt) sa doublure de longue date et meilleur ami basé sur le cascadeur Hal Needham (ami et réalisateur de nombreux films pour Reynolds) que d’authentiques figures d’Hollywood comme Steve McQueen (incarné par Damian Lewis) ou Bruce Lee qui vivent éternellement dans ce Shangri-La de celluloïd . Once Upon a Time in Hollywood déborde de pastiches de séries et de films mêlés à de véritables extraits, de panneaux publicitaires à l’infini et de salles de cinéma flamboyantes du temps de leur splendeur, le tout baigné par le son de la musique pop et des publicités que la station KHJ diffuse sur les autoradios. A la manière du John Hammond de Jurassic Park Tarantino et ses collaborateurs , la décoratrice Barbara Ling (Batman & Robin) et le responsable des effets visuels John Dykstra (Star Wars, Spider-man) ont dépensés sans compter pour faire revivre la cité des Anges de 1969 reconstituée dans ses moindres détails aussi loin que porte le regard du spectateur. Mais l’auteur de Inglorious Basterds oublie de peupler ce paradis sublimé par la photographie solaire de Robert Richardson (ancien directeur de la photographie attitré d’Oliver Stone devenu celui de QT et qui signe là un de ses travaux le plus accomplis) de personnages complètement aboutis .


Si Booth et Dalton sont des personnages Tarantinesque en diable ceux qui les entourent manque d’envergure même si les comédiens et non des moindres, on croise Kurt Russell ou Al Pacino, sont formidables. Brad Pitt exsude la coolitude et a rarement été si beau à l’écran. Son Cliff Booth vieux routier d’Hollywood au passé trouble (héros de la Seconde Guerre mondiale la rumeur lui prête l’assassinat de son épouse) âgé mais toujours viril, doté de formidables talents de combattant et d’une attitude si confiante qu’elle lui permet de faire face à tout ce qui se présente à lui. Pitt traverse le film avec la confiance désinvolte d’un lion qui connaît son territoire. J’ai longtemps trouvé Leonardo DiCaprio trop appliqué comme s’il voulait prouver qu’il était l’égal des autres grands acteurs américains en « O » et un basculement m’était apparu chez lui justement avec son interprétation de l’ignoble Calvin Candie dans Django Unchained . Il est ici complètement désinhibé et livre une prestation burlesque en comédien de seconde zone sur le déclin tellement dévoré par l’angoisse de ne plus être un « leading man » qu’il pleure de gratitude lorsqu’une enfant acteur le complimente sur une brève scène. Il y a quelque chose de l’écriture de Shane Black dans la composition et la dynamique de ce duo entre un protagoniste en fait assez médiocre et son compère ultra-compétent . On pense évidemment à The Nice Guys avec lequel il partage la période et la jeune Margaret Qualley (fille d’Andie Mc Dowell vue dans la série HBO The Leftovers) qui dans les deux films incarne une hippie hystérique aux pieds nus (le fétichisme des pieds de Tarantino fonctionne ici à plein régime).


Comme pour préserver son éden Quentin Tarantino se refuse d’y faire entrer un serpent. Si on ressent la présence du mal qui s’insinue comme dans la scène anxiogène du ranch Spahn il ne consent pas à lui accorder une autre expression que le ridicule. L’intention est louable comme si il voulait en effacer les conséquences comme vient le confirmer la note de grâce et de sérénité qui conclut le film. Mais l’ironie veut que les personnages les plus sombres et cruels soient souvent chez lui les plus mémorables de M.Blonde à Hans Landa, d’ Ordell Robbie à Bill. Ainsi Once Upon A Time In Hollywood manque d’une incarnation de ce mal. De manière étonnante la figure la plus inquiétante du film revient à la jeune Dakota Fanning (la petite fille de la Guerre des Mondes de Spielberg) en adepte de la « Famille » Manson. L’affection de QT pour ce monde disparu est si forte qu’il semble comme intoxiqué par la nostalgie et y laisse évoluer librement ses personnages sans poussée narrative. On suit essentiellement quelques journées dans la vie des trois protagonistes principaux : Rick Dalton sur le tournage d’une série western, celle de son compère Booth sur le plateau mais aussi à travers L.A où il va croiser la route de la « Famille » et enfin Sharon Tate dont Tarantino fait une présence éthéré comme le fantôme de cette période insouciante. Le personnage de l’actrice défunte a beaucoup moins de temps de présence à l’écran et de dialogues que le duo, malgré tout Margot Robbie illumine le film. En particulier lors d’une séquence où elle se rend dans un cinéma projetant son dernier film chaussant une paire de lunettes surdimensionnées pour regarder sa propre image à l’écran. Dans cette scène muette la sincérité du jeu de Robbie incarnant Tate regardant la véritable Sharon Tate à l’écran fait naître une vraie émotion.


Le film est présenté comme un retour à la structure d’un Pulp Fiction mais les vignettes de son classique étaient portées par des micro-intrigues efficaces là où les tribulations du trio ont une structure narrative trop lâche. Once Upon a Time in Hollywood peine à prendre son élan, QT se perdant parfois dans des scènes comme le tournage de la série western auquel participe Rick qui, si elles lui permettent de rendre hommage à certaines de ses idoles comme le réalisateur Sam Wanamaker (incarné par le premier Spider-man de l’écran Nicholas Hammond) apparaissent comme des digressions. Bien sur le film ne manquent pas de moments mémorables : de la confrontation entre Bruce Lee (incarné de manière bluffante par Mike Moh comédien vu dans les séries Empire ou Inhumans) et Booth, en passant par les clins d’œil aux westerns spaghettis jusqu’à un final dont le ton tranche radicalement avec la langueur qui précède. Une séquence marquée par une violence impitoyable évoquant à la fois l’horreur italienne et le cartoon. Rêverie sur un passé perdu Once Upon a Time in Hollywood est sans doute le film le plus mélancolique de son auteur avec Jackie Brown (dont il revisite un des décors les plus iconiques) mais alors qu’il pouvait en 1997 à l’age de 34 ans porter un regard neuf sur les regrets de personnages quinquagénaires il n’a pas ici la distance nécessaire pour éviter de succomber à la confortable léthargie qui baigne le film.


Conclusion : Avec Once Upon A Time In Hollywood Tarantino compose une élégie poignante pour une période adorée qu’il fait revivre avec un soin rare. Si on retrouve sa maestria à la mise en scène j’avoue n’avoir pas retrouvé dans cette rêverie sauf à de brefs moments ses fulgurances . Même si Brad Pitt (MVP du film) Leonardo DiCaprio et Margot Robbie y sont formidables.

PatriceSteibel
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le 26 juil. 2019

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PatriceSteibel

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