Alors qu'elle touche à sa fin, la filmographie de Quentin Tarantino fait un tour d'honneur de tout ce qui aura fait sa sève de sa réappropriation référencées d'autres œuvres, de son regard fétichisant ou encore cette volonté du cinéaste d'inscrire sa propre histoire dans un univers uchronique. Sur tout ces aspects, Once Upon a Time... in Hollywood est le best of ultime de la cinématographie et la cinéphilie tarantinienne et en compose aussi son oeuvre la plus personnelle. Mais après un The Hateful Eight qui avait marqué sa maturité en s'imposant comme son film le plus profond et complexe, il est quelque peu décevant de voir le cinéaste se perdre dans la contemplation de ses propres fantasmes dans un récit trop dense pour son propre bien. Surtout qu'à force de subjectivité et d’auto-congratulations, Tarantino apparaît presque condescendant dans l'exécution de son histoire qui se noie dans les dérives de ce qu'elle dénonce malgré la tentative d'une ironie évidente.


Cette ironie sera d'ailleurs la force de ce Once Upon a Time... in Hollywood tant elle s'insère dans la continuité de son précédent film. Car même si ici Tarantino parle beaucoup de son amour du cinéma, il se sert de ce dernier comme d'une diversion pour parler d'une Amérique superficielle et gangrenée par ses rêves de grandeur qui la consume dans une spirale de violence. En ça, les deux protagonistes auront une place très particulière dans le récit tant un incarne un minable modelé par un système opportuniste, incarnation d'une nouvelle Amérique qui tente de fermer les yeux sur ses propres dérives, et l'autre n'est que le produit de cette violente politique de suprématie incapable d'échapper aux fantômes de son passé. En ça, l'utilisation du culte de Charles Manson s'avère assez astucieux tant il représente les démons créent par un pays aliénant et carnassier et la haine qu'éprouve le personnage de DiCaprio à leurs égards et d'autant plus parlant tant ils représentent la personnification de ses propres échecs et son hypocrisie. Celle d'une Amérique qui estime que le succès passe par la gloire et la reconnaissance poussant une jeunesse en perdition à la chercher auprès de prédateurs peu scrupuleux.


Cet aspect du récit possède de vrais bonnes idées, mais celles-ci semblent assez vite noyée dans la densité de l'ensemble et finissent par donner l'impression d'avoir souffert de nombreuses coupes au montage. Le culte de Manson n'ont au final qu'une présence limité tandis que Charles Manson lui-même est quasiment absent du récit et cette réflexion de la violence manque de profondeur dans son traitement et finit par tomber dans une glorification assez douteuse. Totalement incarnée par Cliff, le personnage de Brad Pitt et accessoirement meilleur personnage du film, cette violence souffre d'un arc narratif charcuté tant l'intrigue autour de Cliff semble ne pas avoir de conclusion ou de consistance. Ayant tourné plus de 4h de scènes, et parlant déjà de ressortir le film en format série pour Netflix avec l'ajout des scènes coupées, Once Upon a Time... in Hollywood admet complètement être une oeuvre inachevée et cela se ressent tant son récit paraît parfois extrêmement maigre. Comme si pour cette version cinéma Tarantino n'avait décidé que la superficialité de son histoire tombant dans les dérives qu'il dénonce. Surtout qu'avec son dosage approximatif le film paraît à la fois incomplet et pourtant trop long dans sa glorification du Nouvel Hollywood et d'un âge d'or du cinéma révolu.


Cet aspect est totalement incarné par une Sharon Tate juvénile qui représente le rêve fantasmé et intact d'un cinéma sincère et immortel. Tarantino arrive à porter un regard par moments fascinant et mélancolique sur son art et sur le cinéma qui a modelé sa passion même si trop obnubilé par ses propres fantasmes il n'en tirera qu'un pur objet de fétichisation où règne qu'une nostalgie factice et une narration un peu creuse. Sur l'écriture, le cinéaste n'aura jamais semblé aussi peu inspiré ou incarné tant ses personnages paraissent oubliables ou banales. Les dialogues manquent de substances et l'ensemble manque de la verve mordante qui faisait le sel de ses précédents films. Aucune joutes verbales ne sortent du lot et l'ensemble paraît souvent plat car trop dispersé. A trop vouloir en faire, il en accompli au final très peu. On est face à une ébauche tenue par son seul sentiment de mélancolie et qui tombe en plus dans un dernier acte sur-explicatif à la voix-off redondante et peu utile.


Le film possède quand même la vigueur formelle de Tarantino, tant sa mise en scène paraît étincelante autant de sa reconstruction d'époque minutieuse mais aussi son sens du découpage ingénieux et qui arrive encore à offrir des plans lourds de sens et symboliquement très fort. Mais si il cède à un male gaze un peu trop agressif tant ici ces figures féminines n'ont jamais autant été réduit à des silhouettes hypersexualisées et victime de son fétichisme. Et le casting en fera directement les frais car Margot Robbie n'aura que très peu à jouer en dehors de la partition juvénile à laquelle est réduite Sharon Tate. Au final mais si tout le monde est plutôt bon, peut arriver à exister en dehors du duo légendaire formé par Leonardo DiCaprio et Brad Pitt. DiCaprio livrant une performance sans faille mais trop maîtrisée. Il est excellent comme à son habitude mais impressionne moins que son comparse car sa prestation traduit l'aspect factice de son rôle. Alors que Brad Pitt lui traverse le film tel un bloc de charisme et de coolitude assez sidérant, impressionnant par son naturel foudroyant. Il incarne et est totalement habité par son personnage au point de signer ici un de ses meilleurs rôles, qui brille par ses nuances intériorisés et ses habiles jeux de regards.


Once Upon a Time... in Hollywood est finalement très loin de la profondeur et de la maturité de The Hateful Eight, tant Tarantino est envieux de ré-explorer son cinéma et sa cinéphilie qu'il en retombe dans ses vieux travers et signe son film le plus faible. La densité du récit cache finalement l'essoufflement du cinéaste qui ne semble plus aussi habile dans son écriture et tombe dans une superficialité assez vaine. Il y clairement un propos passionnant dans son dernier film, mais celui-ci semble constamment effleuré comme si on restait à la surface d'un tout plus vaste. Peut-être que dans sa version définitive, Once Upon a Time... in Hollywood est le grand film qu'il semble vouloir être et que tout le monde on l'impression de voir mais en l'état il semble beaucoup trop embourbé dans les fantasmes exacerbées de son cinéaste pour n'être plus qu'un pur objet de fétichisation. Au final, ce best of est à l'image de la filmographie de son auteur. Un monument du cool un peu vain qui arrive quand même à être traversé de quelques beaux moments de cinéma et surtout d'un Brad Pitt au sommet de son art qui forme un attachant duo avec Leonardo DiCaprio. De quoi passer un long mais sympathique moment, mais pas de quoi marquer le cinéma ou réécrire l'Histoire.

Frédéric_Perrinot
6

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le 17 août 2019

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