Il était une fois... Le très agaçant Maître Quentin

Ah mais il m’agace !
Oui, Quentin Tarantino m’agace, surtout quand il fait des films comme ça. Et je me doute bien que je ne vais pas mettre tout le monde d’accord avec ce que je m’apprête à dire (mais bon, on est aussi là pour exprimer des points de vue hein !), mais moi je ne peux pas m’empêcher de considérer qu’il existe deux catégories de films chez Quentin Tarantino. Il y a d’un côté les films-pionniers où sa volonté première est de mettre en place un univers nouveau, cohérent et animé par une rythmique et une intrigue savamment réfléchies (je mettrais là-dedans « Reservoir Dogs », « Pulp Fiction », « Jackie Brown », « Kill Bill volume 1 », « Django Unchained » et éventuellement « Les huit salopards »), et puis il y a les films plus récréatifs où j’ai l’impression que l’ami Quentin s’amuse et se relâche davantage ; où il combine les références voire les autoréférences dans un enchaînement de scènes certes souvent savoureuses mais qui peinent malgré tout à constituer un ensemble cohérent et fluide. Et dans cette catégorie on retrouverait pour moi « Kill Bill volume 2 », « Inglorious Basterds », « Boulevard de la mort » et donc – vous l’aurez compris – ce « Once Upon A Time In … Hollywood ».


Parce qu’oui, pour moi il n’y a pas meilleure manière pour résumer ce neuvième long-métrage de Quentin Tarantino que d’en dire ça : ce film est un enchaînement confus de scènes savoureuses. Et des moments savoureux il y en a ! Ce n’est clairement pas moi qui vais vous dire le contraire !


(De la bagarre entre Cliff et Bruce Lee aux moments anthologiques passés par Rick sur les plateaux de tournage, c’est un festin !)


Et à chaque fois, la raison de ce festin est toujours la même : il y a à chaque scène-clef un sens du dialogue et de la rythmique qui relève de l’orfèvrerie et qui offre aux acteurs un cadre idéal pour s’exprimer. A ce petit jeu là d’ailleurs, Leonardo Di Caprio et Brad Pitt livrent encore une fois de remarquables prestations. On les sent à l’aise, amusés. Ils se régalent et c’est plus que communicatif. Et rien que pour cela, j’avoue que je n’ai aucune hésitation à considérer ce « Once Upon A Time… » comme étant l’un de mes très bons moments de 2019…


Mais bon… Malheureusement il faut qu’autour de tous ces bons moments le film soit gorgé de boursouflures. Autant de scories qui s’expliquent par l’envie de Quentin Tarantino de nous en foutre plein la vue. Combien de plans ne sont là que pour rappeler que l’ami Quentin sait filmer ? (Voir Brad Pitt sous toutes les coutures quand il conduit, ça va une fois mais au bout d’un moment ça me gonfle clairement ! Ton sujet c’est ton film Quentin, pas toi.) Idem, combien de plans – voire de scènes entières ! – ne sont là que pour caser des références ? Références musicales. Références filmiques. Et parfois même des références à lui-même ! Ça dégueule de partout. Il y a un trip égotique qui souille régulièrement ce film : des plans qui ne sont là que pour rappeler que – oui – on regarde bien un film de Quentin Tarantino et que c’est la classe. Peut-être que ça émoustille la fan-base, mais pour moi c’est trop : j’en suis venu à ne plus supporter la vue d’un minishort ou d’une paire de pieds nus à l’écran, c’est dire !


Alors vous allez me rétorquer que je chipote et que ce n’est que du détail. Sauf que – désolé – mais le rythme et la structure du film pâtissent clairement de toutes ces boursouflures. A bien tout prendre, on se rendra notamment compte que tout l’arc Sharon Tate est clairement un arc mort. Toutes les scènes qui le composent ne sont là que pour montrer des décors, des références et le joli petit corps de Margot Robbie qui défile en habits (légers) d’époque. Au-delà de ça, cet arc est totalement vide. Idem, à vouloir cabotiner formellement autour de certaines scènes, comme celle dans le camp de hippies par exemple, Quentin Tarantino créé des séquences très longues qui en deviendraient presque des films à part entière. En procédant ainsi, ces longues scènes finissent par phagocyter l’intérêt au point que la transition vers un autre personnage entraine inévitablement une brisure dans le rythme. Du coup, ce « Once Upon A Time… » peine a exister en tant qu’entité pleine et entière et se transforme vite en une sorte de film à sketchs dont on a du mal à suivre la finalité.


D’ailleurs, les raccords entre ces scènes sont souvent maladroits : c’est par exemple le cas de tout ce qui concerne la séquence « Rick et Cliff en Italie ». Et même si l’ami Quentin semble assumer totalement cette rupture notamment en basculant vers un type de narration différente, je trouve que ça participe malgré tout à un hachage du rythme et de l’intrigue. Personnellement, je trouve vraiment que la dernière grosse séquence...


(celle où les compagnons de Manson viennent pour accomplir leur carnage.)


...ressemble plus à un rajout qu’à un final. En termes de tension et d’attention, moi, ça m’a vraiment pénalisé. En cela, ce « Once Upon A Time » ressemble vraiment à la démarche d’un « Inglorious Basterds » : au fond les scènes prévalent sur l’histoire et n’existent que pour être au service des acteurs plus qu’elles sont au service d’une intrigue ou d’une dynamique globale.


On peut aimer. Mais moi ça me pèse. Ça me pèse parce qu’au fond j’ai suivi tout ça sans vraiment savoir où j’allais. Et à raison puisqu’au final on va un peu nulle part. Parce que si on s’interroge un peu sur la finalité de ce film on se rendra vite compte qu’il y a un os. C’était quoi l’objectif ? Montrer deux visages d’Hollywood entre d’un côté l’acteur qui explore tout le côté factice d’Hollywood et de l’autre le cascadeur, celui qui aborde le vrai quartier qui existe derrière les studios ? On sent à un moment qu’il y a un peu de ça, mais ça s’égare vite sur le dernier tiers, et surtout c’est totalement pollué par l’arc Sharon Tate. Est-ce que le but était au contraire de faire une sorte de panégyrique d’Hollywood en offrant une image de ce monde volontairement fantasmé car – par définition – il s’agit d’un monde qui fonctionne comme une usine à fantasmes ? Oui, c’est en tout cas ce que suggérerait la fin : poussant le fantasme jusqu’à...


...réécrire l’Histoire. Car après tout Hollywood c’est aussi ça : créer les histoires et le monde qu’on veut. Là encore on est dans une démarche très proche de celle de « Inglorious Basterds ».


Bref, oui, il y a plein de trucs intéressants dans ce film. Ça en dégorge de partout. Seulement voilà, au lieu de faire l’effort de sélectionner, d’élaguer et de travailler la cohérence de son film, pour ce coup-ci Quentin a préféré faire des choix plus égoïstes, égotiques, récréatifs, s’appuyant sur la liberté que les spectateurs lui concéderont de par son statut.


Alors oui, ça peut plaire, mais donc moi, ça m’agace. Ça m’agace parce que « Once Upon A Time In… Hollywood » aurait pu être un grand chef d’œuvre. Tarantino pouvait le faire. Il savait comment le faire. Mais au lieu de ça il a préféré céder à ses tics, son égo et certaines autres facilités. Mais bon après tout c’est son droit. C’est lui l’auteur. Il fait ce qu’il veut. Et je suis d’ailleurs certains qu’ils seront beaucoup ceux qui, là-dedans, sauront s’y retrouver. Mais que voulez-vous, on ne se refait pas. Moi dans tout ça, je ne peux m’empêcher de voir le verre à moitié vide. Peut-être sera-t-il davantage rempli la prochaine fois. Qui vivra verra…

lhomme-grenouille
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le 24 août 2019

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