Oncle Boonmee parviendrait à faire passer un occidental taciturne pour un être bruyant et indélicat. C'est peut-être le plus grand point fort du film : il réinvestit le langage du silence, du temps mort, et traite de moments de vie un peu délaissés généralement par le cinéma, mais qui touchent.
Peut-être ne méritait-il pas la Palme. Néanmoins sa lenteur fait à la fois sa force et sa faiblesse : plus rapide, plus rythmé, il perdrait paradoxalement probablement une grande partie de son intérêt, lequel tient beaucoup à la fascination que provoquent les images et les magnifiques plans de Weerasethakul. Car oui, la photographie d'Oncle Boonmee est tout bonnement prodigieuse, au point qu'on pourrait imprimer et encadrer chaque seconde de la pellicule - et c'est du grand art.
Malheureusement, le film n'en reste pas moins indéniablement ennuyeux par moments (au point de plonger le spectateur dans des transes extatiques, ce qui était peut-être l'objectif, après tout), on ne comprend pas tout (sans avoir vraiment envie de le revoir pour s'éclaircir les idées), et oui, les hommes-singes au yeux rouges sont une idée contestable.
Il faut en fait surtout prendre Oncle Boonmee (lent, rural, traditionnel, mystique) comme une expérience différente des canons du cinéma d'aujourd'hui, comme un anti The Social Network (rapide, urbain, moderne, froid et désabusé). Weerasethakul ne fait aucun compromis, aucune concession (c'est un film garanti sans actrice sexy, sans über punchlines, sans flingues, sans musique orchestrale, sans bullet time, sans mélo, sans happy end, sans images de synthèse, sans, sans, sans). Il est à voir car il pousse à une réflexion sur nous-même, nos croyances, nos rêves, nos conceptions de l'existence - tout en se moquant bien de donner des réponses.