A la fin de la séance, il faut que je sois honnête, j'avais encore la bouche grande ouverte. Depuis Drive, j'avais eu un regard différent sur les films indépendants, sur l'originalité dans le septième art également. Le rythme, les silence, le ressenti, l'interprétation des vides laissés dans le scénario, et ces satanés regards... Purée que c'est visuel tout ça...
Et surtout il faut se débrouiller avec. Après avoir vu Only God Forgives, je me dis qu'un film de Nicolas Winding Refn, c'est un peu comme trouver agréablement ferme la main qui vous colle la tronche au fond des chiottes pour se retrouver à dire après coup que la faïence et le carrelage étaient jolis.
C'est violent, c'est brut et il n'y a aucun code auquel se rattacher. C'est très perturbant et bien sur on aime ou pas. Pas de juste milieu ou de demi-mesure. L'ambiance vous scotche littéralement au siège. Attention à la marque.
Le premier réflexe, c'est donc d'admirer la photographie. Et elle calme. Subtil jeu de couleurs, plans millimétrés, travelling osés... C'est beau comme rarement avec une simple pellicule. Pour le numérique, c'est demain ma p'tite dame.
Ensuite il y a le choix artistique du rythme très lent, contemplatif, brut dans tous les sens du terme. Tu veux du brut mon gamin ? Tieeeeeeens, et y'en a encore, hein, fini ton assiette avant.
Personnellement, je n'ai pas de problème avec ça. Ni dans le jeu de acteurs, encore plus centré sur les regards, l'expression du corps et les ambiances que dans Drive. Il faut accepter de voir les acteurs comme des icônes qui vont véhiculer ces images et vous heurter. Pas simple...
En plus ce choix est poussé à son paroxysme avec le respect de la lenteur et des couleurs, y compris avec le résultat du carnage. Car la brutalité est assumée de bout en bout. On vous montre donc ce qui arrive quand on laisse s'exprimer les bas instincts et on ne vous épargne rien. Oubliez les violons, la BO est tout aussi glauque que la pellicule.
Bref, tout est malsain, cru, et c'est totalement discutable. Dans ce film on part presque uniquement sur un ressenti personnel, tant la direction artistique est subjective. On ne choque pas gratuitement, il y a une vision, une interprétation du réalisateur. Mais elle décoiffe par son détachement. Impossible d'analyser objectivement les choses. On peut y voir ce que l'on veut.
C'est peut être aussi le problème. Car en plus de ça (je sais, ça commence à faire beaucoup) la construction du scénario ne permet aucune empathie. Il est minimaliste, dur, et basé sur l'ambiance. Les personnages sont froids, méthodiques, inexpressifs. De vrais psychopathes. Seule la petite fille donne une part d'humanité dans cette oeuvre, car aucune émotion ne transite par nos pupilles. Elle n'est presque jamais présente, ni pour un camp, ni pour l'autre. Chaque camp a pourtant des raisons qui lui sont propres, mais trop extrêmes. Et NWR ne cherche jamais à l'expliquer, le justifier. Au travers d'un lyrisme exacerbé, il va construire une ambiance poisseuse, sombre, malsaine et vous laisser vous dépêtrer avec ça, ce qui est non seulement choquant mais pas forcément utile. Les contrastes sont très (trop ?) marqués et quoi que vous en direz, vous n'étiez pas prêt pour ça. Sinon vous êtes un pur sociopathe et votre cas est très (trop ?) préoccupant.
Ici donc on vous laisse vous débrouiller avec votre ressenti, et c'est VOUS qui aurez le dernier mot. Il faut accepter de se faire heurter par un train, et franchement, c'est pas évident. Le style est visuel, sublime, mais franchement pas évident. Et j'ai aimé, vous je ne sais pas. Je recommande ce film tout en nuançant "pour les curieux avertis et bien accrochés". Et puis bon, c'est pas évident.