Cela fait déjà deux ans que Drive est sorti. Le temps passe vite. "Only God Forgives", je l'attends depuis que le film est mentionné sur IMDb. J'étais sceptique au vu du pitch, qui semblait annoncer un film d'arts martiaux avec Ryan Gosling. Finalement, c'est d'un film d'art dont il s'agit, avec quelques influences du maître Jodorowsky.
NWR revient à l'écriture pour ce film que l'on suppose plus personnel encore. Pourtant, le bougre pond une histoire digne d'une série B comme pour prolonger le coup de poker Drive. La particularité narrative, c'est d'étirer les scènes, les personnages, de multiplier les points de vue et ainsi tromper le spectateur avec une apparente complexité de l'intrigue. Il n'en est rien, mais ce n'est pas grave ; Hitchcock l'a fait aussi avec "Frenzy" qui reste pour moi un chef d’œuvre.
La recette que tente d'appliquer NWR avant tout, c'est de transcender un scénario 'bidon' par une mise en scène léchée. Et c'est vrai que c'est beau visuellement. Mais ça n'a peut-être pas suffit. Certains passages un peu maladroits viennent déranger le rythme du film. Ensuite, il y a cette photographie qui me gène ; certes, les lumières sont belles, mais NWR en fait un peu trop et surtout je trouve que sa composition de cadre déçoit ; le réalisateur prend un parti pris audacieux : centrer tous ses personnages. Une volonté esthétique intéressante mais qui, finalement , n'apporte rien au film. Pire, ce concept castre un peu la liberté créative visuelle, car si le chef op' s'en sort sur certains plans, il en est d'autres qui lassent par cet aspect répétitif.
Outre une mise en scène travaillée, il y a cet ajout de surréalisme. Et c'est là que les liens avec Jodorowsky se tissent. Je n'ai pas vu beaucoup d’œuvres de ce dernier, mais "Only God Forgives" m'a rappelé à plusieurs reprises l'intrigue de "Santa Sangre". On y retrouve la mère castratrice. Cette connexion n'est pas une tare ; le problème, c'est que NWR ne gère pas aussi bien les images, et que finalement son film d'art reste assez simple, assez gentil (malgré les belles images qu'il suggère). Et puis surtout c'est lorsqu'il quitte les sentiers de la série B qu'il s'emmêle et flingue le rythme de son film.
Pire, on pourrait reprocher à NWR d'avoir le cul entre deux chaises ; ses scènes d'action sont bien mais toujours avortées pour lorgner vers le surréalisme ; et ses scènes de surréalisme laissent un goût de trop peu... justement parce qu'il doit revenir parfois à une narration classique.
Enfin, il y a les personnages et les acteurs. Ryan est sympathique, mais manque un peu de charisme. Dans Drive il n'avait pas d'adversaire aussi fort que ce Chang. Vithaya Pansringarm est tout simplement bluffant et bouffe l'écran.
Bref, Only God Forgives est un film intéressant, on ne s'ennuie pas devant (on n'oserait pas) ; la mise en scène fascine mais au final le produit reste décevant car ne semble pas avoir atteint le but fixé quel qu'il soit (pop corn ou sushi?).