Certains font des tableaux, d'autres des sculptures, Refn assemble des plans et fait un "film"
Ce film est irregardable. Voici un propos souvent entendu et soutenu par nombre de personnes sensibles en ayant eu pour leurs 5,20 euros (à l'époque). Je l'accepte, mais ce terme est à nuancer. En effet, la violence démesurée de certaines scènes, notamment celle de la torture à coups de piques à glace, peuvent traumatiser pour plusieurs mois un amateur de cinéma s'étant rendu dans cette salle dans le seul but de revoir son acteur préféré, Ryan Gosling (talentueux et efficace, avec la même gueule, comme toujours, ou comme Delon) de nouveau sous la direction du réalisateur récompensé en 2011 pour son satisfaisant "Drive". Ces scènes nous arrachent une nausée interminable, la boule au ventre renforcée sans cesse par le dégoût que nous inspire ce policier aux pratiques peu orthodoxes, aimant tout autant l’hémoglobine que les doux chants mélodieux thaïlandais. Là est la prouesse. Ce personnage est si creusé, recherché et effrayant, qu'il fascine le spectateur. Sur un plan, il mutile, sur le suivant, il chante, arborant sa voix d'ange tel un meurtrier repenti, c'est à nous, spectateurs, à trouver les sens et les messages que transportent cette technique. Tous les plans, toutes les images, les angles ou les couleurs sont un long travail de recherches et d'harmonies qui témoignent du génie artistique de Nicolas Winding Refn. Ryan Gosling montre ses faiblesses face à une Kristin Scott Thomas (bluffante) méprisante et ultra-grossière, ou tous deux forment un duo mère-fils à couper le souffle, tellement choquant et si osé qu'on en perd nos mots. Il nous livre alors une oeuvre d'art, sous forme de long-métrage car c'est le domaine où Refn excelle, et la qualifier de film ne serait simplement pas correct. C'est un chef-d'oeuvre cinématographique à admirer dans un musée, ou bien dans un cinéma, mais pour spectateurs prévenus ou cinéphiles...