Only God Forgives par Hugo Harnois
Nous n'oublions pas le film qui, le vingt mai 2011, a fait trembler le septième art. Nous n'oublions pas non plus la folle interprétation d'un acteur qui est (déjà) au sommet de sa carrière. Mais Drive n'était que le début puisqu'arrive aujourd'hui Only God Forgives. Après avoir reçu un coup de couteau, notre cascadeur a pris sa voiture pour ne plus jamais revenir. Bangkok est sa prochaine destination, où il deviendra gérant d'un club de boxe. Le jour où son frère se fait tuer, le héros silencieux va vouloir le venger.
Avant tout malentendu, il faut voir cette œuvre comme un prolongement de Drive. Only God Forgives n'est pas un film à part entière, il fait partie intégrante d'un travail qui a commencé avec son aîné, et qui se finira peut-être avec un troisième et dernier épisode. Voilà d'abord pourquoi nous ne pouvons pas dire que ce film n'est qu'une pâle copie de son prédécesseur, car c'est un tout que l'on ne peut dissocier.
Si Gosling se trouvait dans une sorte de rêve avec Drive, il est désormais dans un cauchemar et lutte contre ses propres démons. Refn place ses récits en dehors de toute réalité. Les rues surréalistes de Los Angeles laissent place au néant de la Thaïlande. Au loin, nous n'apercevons qu'une espèce de brouillard opaque flottant sur les immeubles urbains. Un profond mal-être s'empare de nous alors que le film vient à peine de commencer. Le son de Cliff Martinez est plus sombre et violent, et la photographie ne laissent sortir que des couleurs (rouge, bleu) à la saturation extrême. Faite de nombreux ralentis, la création du danois est également atemporelle et bouscule radicalement le spectateur dans ses certitudes.
On sent la volonté du cinéaste à imposer son style dans ce paysage cinématographique codifié. Une mise en scène épurée, des plans fluides et une remarquable photographie ne nous diront pas le contraire. Il faut d'ailleurs remercier l'excellent Larry Smith (chef-op de Kubrick pour Eyes Wide Shut) pour son travail sur le cadre. Nous nous perdons dans tous ces couloirs labyrinthiques sans fin ne menant qu'à une destination : l'Enfer. Il est vrai que la religion joue un rôle décisif dans Only God Forgives. Julian, un homme en quête d'identité (rapport quasi œdipien avec sa mère, la surprenante Thomas) et de foi, devra faire face à un mystérieux policier à la lame tranchante. Une sorte de bras vengeur divin, punissant les hommes pour leurs pêchés. Le jeu d'ombre ne nous fait que rappeler ces thèmes, où la silhouette des protagonistes projetée sur le mur représente un autre individu, et symbolisant le côté caché de l'être humain.
Le personnage de Gosling est un mythe, une légende qui apparaît et disparaît à son bon vouloir. Il n'a pas besoin de parler puisque les mots sont vains dans ce monde fait de violence et de pouvoir. Une fois encore, on ne sait comment sa route se finit. Et il faudra peut-être attendre encore deux ans avant de le retrouver dans une nouvelle aventure. Une aventure que seuls deux génies du cinéma tels que Gosling et Refn peuvent créer.