Comme à son habitude, Jarmush s'attaque au cinéma de genre en s'intéressant à ses mythes à travers leurs fêlures et leurs faiblesses. Ses vampires immortels, victimes d'un indicible spleen et s'essayant à la toxicomanie-responsable-assistée-médicalement, ont en commun leur inadéquation grandissante... La société, le monde de l'art, les humains en général, ne veulent pas d'eux autrement qu'à travers des légendes lointaines, que l'on peut ignorer ou tourner en ridicule. Or pour Jarmush, ça n'a rien de risible. Adam et Eve sont de grandes figures tragiques, des amants maudits, des artistes illuminés condamnés aux ténèbres. C'est triste et brillant.
Seul ombre à ce tableau déjà crépusculaire, c'est Jarmush qui l'a réalisé. Or on a beau dire, avec une aussi longue carrière, le spectateur ne peut plus, à moins de le découvrir à l'instant, être dupe de ses méthodes de fabrication. Donc on entre dans la salle pleinement conscient que la première heure sera démesurément longue, que le dénouement ne sera pas une fin en soi, que les acteurs seront brillants et le casting hétéroclite, que la musique sera envoutante et la photo merveilleuse...
Non qu'il pèche par excès de qualité, mais que ses tics sont maintenant si évidents qu'on y est imperméable.
De plus, j'ai personnellement eu du mal avec ses références littéraires et artistiques, toutes trop faciles et vues mille fois ( Marlowe qui a écrit les œuvres de Shakespeare, etc... ) et la musique d'Adam, génie musical séculaire est tout a fait sympathique pour du rock indé des années 80-90. En 2014, il est un peu à la ramasse...
Mais je ne lui en tiens pas rigueur, je préviens juste les futurs spectateurs qu'il est préférable de n'avoir jamais vu un film de Jim pour se laisser happer par celui-là.