Filmé à hauteur d’homme, sans affect. Mais pas sans ambition...

« Vaurien ! Incapable ! Traître ! » : voilà comment commence l’épopée d’Onoda, un jeune homme de vingt-deux ans qui n’a pas réussi jeter son zero sur un porte-avions américain. Nous sommes en 1944, la guerre du Pacifique est perdue, et il ne reste qu’une solution honorable – le sacrifice des kamikazes – pour décourager les Gaijin de poser pied sur la terre sacrée du Japon.


En refusant cet honneur, Onoda court de graves dangers, pour lui et sa famille. Mais on lui propose une forme d’honneur alternative : non pas se sacrifier, mais au contraire survivre. A tout prix.


Il s’agira de défendre coûte que coûte Lubang, une des nombreuses îles conquises par les fascistes japonais : « Faites tout ce qu’il faut pour survivre, car quoi qu’il arrive, dans six mois ou dans dix ans, nous reviendrons vous chercher ». Cette promesse va déclencher l’un des événements les plus improbables de la Seconde Guerre Mondiale : avec une poignée d’hommes, Onoda va défendre son île de 125km² pendant trente ans*.


La critique, plutôt élogieuse envers le film, parle d’Apocalypse Now à la française. Le compliment est beau mais trompeur. En effet, pas de war opera dans Onoda, petit film français d’Arthur Hariri**, tourné au Cambodge avec des comédiens japonais et une grande parcimonie de moyens. Pas de dantesque reconstitution avec figurants, pas d’hélicoptère, pas de Walkyrie. Pas non plus de poème métaphysique à la Ligne Rouge, même si on pense plus à Malick qu’à Coppola. Onoda est un film très simple, filmé à hauteur d’homme, sans affect. Mais pas sans ambition. Sa force est de nous plonger, sans ironie ni sarcasme, dans la mentalité de ces soldats japonais, tout en évitant de les héroïser.


Totalement portés par son histoire incroyable et ses excellents comédiens, on finit par suivre Onoda Hirō dans ce cheminement intellectuel qui veut que la seule solution valable soit de combattre, de survivre, et d’attendre, plutôt que dialoguer, apprendre la vérité, et se rendre.


C’est le programme du film, et c’est aussi sa beauté.


*De 1947 à 1974, on retrouvera ainsi 127 soldats nippons dans différentes îles d’Asie du Sud-Est. Mais en Europe, des soldats allemands se sont aussi rendus après la fin de la guerre, comme la poche de St Nazaire, par exemple.


** Autant le dire tout de suite : Onoda a fait l'ouverture d'Un Certain Regard, mais n'a rien ramené de Cannes. Pour le Professore, c'est comme un diplôme...


cinefast

ludovico
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le 29 juil. 2021

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