Onoda, c’est l’histoire tragique d’un homme qu’on a oublié. Lui ne le sachant pas, c’est l’histoire d’un homme qui pense que la Guerre n’est pas finie. Et pire encore c’est l’histoire d’un homme aveuglément dévoué. Un film de guerre donc dans lequel évolue Onoda, qui, depuis qu’il est jeune, s’est enrôlé pour servir son pays. On l’a éduqué aux techniques militaires, on l’a formaté, on l’a inspiré, on l’a forgé, on l’a endoctriné, on l’a éveillé. Ce faisant, ce jeune homme est devenu droit, stricte mais aussi et surtout prudent puis malheureusement paranoïaque. Une méfiance qui ira de paire avec une imagination a toute épreuve, lui pouvant être amener à penser que cachée sous une aide bienvenue se trame une trahison, se referme sur eux un piège. Un imaginaire et une manière d’appréhender les signes qui ont fait de lui un marginal solitaire, un ermite mais surtout un soldat. Un complotiste qui a tragiquement emporté dans sa frénésie ses compagnons, et ce, par amour pour son pays.
Loin de tout, dans une nature aussi étouffante qu’inhospitalière, le bruit des typhons étouffent le moindre contact avec l’extérieur. Ce faisant, chaque visage semble être celui d’un ennemi, il faut coûte que coûte se protéger, même des plus faibles car ils pourraient tout simplement bien cacher leurs jeux. Un film d’une beauté rare, en communion avec la nature, à la pellicule finement granuleuse réveillant des couleurs éclatantes de beauté et dont le fin halo détourne les silhouettes. Un travail du son remarquable pour une immersion saisissante où chaque plan est une peinture duveteuse, embaumement charmant et séduisant contrastant terriblement avec les dures trentaines d’années de survie qui s’écoulent à la vitesse de l’éclair.
De l’éclair du moins pour nos personnages et ce grâce aux nombreuses ellipses qui jalonnent le film. Il est d’ailleurs assez dommage que de nombreux synthés et ce message radiophonique trop explicite ne soit pas plus subtilement amené. Ça brise quelque peu une immersion finalement à toute épreuve et ce malgré que l’ensemble en terme de temporalité soit un peu flou et maladroit. Difficile de faire s’écouler 30 ans en 2h40. Par contre les 2h40, elles, on les sent bien passées. Difficile de ne pas ressentir le poids de cette durée dans l’ensemble du film, relativement lent et contemplatif. On ressort de l’épreuve exténué non pas autant par la longueur que par cette fin bouleversante. La preuve d’une dure réalité, celle que le combat est clôt depuis longtemps. Aucune échappatoire, une fierté vidée et un sentiment d’abandon, d’injustice, et on ne peut que s’écrouler, s’effondrer avec Onoda.

Smathy
8
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le 12 août 2021

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