Film fleuve, Onoda prend successivement la forme d'un classique sur la deuxième guerre mondiale, du meilleur épisode de Koh Lanta jamais tourné, d'une transposition de Don Quichotte, d'une errance mystique en pleine jungle... L'histoire (vraie) d'Hiro Onoda est rare et nous tient en haleine pendant toutes ces incarnations.
Sur le fond, on peut dire que c'est un film sur le sens de le vie. Le sens que le protagoniste pense trouver dans le nationalisme nippon, tel que défendu par son armée. Le jeune Onoda veut vivre avec honneur et l'accomplissement de sa mission est perçu comme l'occasion qui lui est donnée de mener une vie juste.
Le film dépeint brillamment les attraits de l'idéologie, si puissante parce qu'elle vient donner du sens à un monde violent, parce qu'elle vient souder une communauté dans une lutte commune. Il en montre aussi les limites, quand cette idéologie est trop éloignée de la réalité, qu'elle ne peut plus donner du sens au monde : pour le croyant, il faut alors, soit, renoncer à des valeurs qui ont structuré sa vie pendant des années, soit s'enfoncer dans le déni et accommoder la réalité à sa vision idéalisée du monde, s'enfonçant dans une folie de plus en plus inextricable...
Paradoxalement, le film livre en creux une piste sur le sens de le vie : Hiro Onoda n'est jamais aussi heureux que lorsqu'il est avec ses frères d'armes, qu'il défend "sa famille". A mesure que les années passent, le souvenir des frères tombés se substitue progressivement à une mission initiale de plus en plus abstraite. Onoda n'est alors plus mû que par la fraternité...
Quelques bémols pour finir : (i) le film, sans être laid, n'est pas particulièrement beau et (ii) les habitants de Lubang sont filmés du point de vue d'Onoda, complètement animalisés - le film est essentiellement à la gloire d'Onoda, un fou qui a passé des décennies à tuer et terroriser la population de Lubang sans raison : une ou deux scènes de contre-point sur la population philippine auraient apporté une distance sans doute souhaitable à ce film...
Mais je chipote. Sans être parfait, le film vaut très clairement la peine d'être vue.