Visage bien connu du cinéma américain, Kevin Costner endossa à trois reprises la casquette d’acteur-réalisateur, soit un trio de films aux fortunes diverses : d’abord Danse avec les Loups, coup d’essai tonitruant auréolé d’un succès critique indéniable, puis Postman, échec notoire au box-office contrastant de milles feux avec celui du susnommé. Dernier du lot, voici donc Open Range, dont la réussite timide mais certaine parachève la mise en exergue d’une étiquette commune à ces derniers : celle du western.
Non pas qu’il faille ranger derechef ce semblant de « trilogie » dans une case, ou même d’associer bêtement les réalisations de Costner : mais le fait est que la carrière de l’interprète du légendaire Eliot Ness est intimement lié à ce genre emblématique... dont Open Range serait la traduction la plus standard. Avec son duo de cow-boys défendant au péril de leur vie un idéal de liberté, le long-métrage n’invente d’ailleurs pas grand chose, ou tout du moins pouvons-nous présumer que le roman (presque) éponyme qu’il adapte versait dans un classicisme propret.
Voici donc, en résumé, un western honnête de bonne facture mais cruellement lisse : à titre de comparaison, nous sommes bien loin de l’envergure follement viscérale d’un Impitoyable, ou même du bel écrin de sobriété d’un Appaloosa. Il règne en ce sens une atmosphère sage comme kitsch, Open Range brassant de bout en bout des poncifs au service d’une trame convenue : l’unidimensionnalité « lucide » du Marshal Poole ou celle plus grossière (au limite de l’infantilité) de Baxter forme par voie de fait un antagonisme peu surprenant, tandis que ce brave Charley Waite nous ressert la vieille recette du cow-boy taciturne cachant un sombre passé.
Les lubies rebelles de Button, campé par un Diego Luna que nous découvrons pour l’occasion jeunot, constituent quant à elles de sacrées ficelles animant une construction globalement prévisible. La résolution du récit concrétise cette impression au terme d’une énième relecture du gunfight final, qui a d’ailleurs pour tort de traîner dramatiquement la patte : c’est décousu au point d’en amoindrir le ton divertissant comme brutal à l’œuvre, et cela ne fait que souligner le conformisme constant d’une mise en scène sans réel éclat, davantage ponctuée d’effets vieillots intermittents (le ralenti plutôt vilain clôturant Open Range est éloquent en la matière).
S’il ne fait pas de miracle derrière la caméra, Costner mérite toutefois bien quelques louanges pour son jeu, parfait compromis entre vernis de dur au mal dans l’adversité et maladresse désarmante dans l’extraversion. La romance liant Charley à Sue est pour sa part, à défaut de surprendre tant elle est niaise dans son écriture et son exécution, contre toute attente assez touchante (la performance de Bening n’y est pas indifférente) : elle est de surcroît symptomatique des prétentions du long-métrage, celui-ci ne succombant pas aux sirènes du sensationnalisme, mais pour ce qui est du sentimentalisme... l’histoire est toute autre.
Tirant pleinement profit du potentiel des paysages de l’Alberta, Open Range propose enfin quelques tableaux somptueux retranscrivant fort bien l’immensité de son cadre : entre nature sauvage, impétueuse et civilisation croissante, il flotte dans l’air un doux parfum de liberté encore vierge... mais pour encore combien de temps ? L’intrigue originale de Lauran Pain, retravaillée ici par Craig Storper, nous offre ainsi un semblant de réflexion dans un décor bien différent de notre quotidien : une époque à la croisée des chemins et encline à de tumultueux conflits d’idéologies et autres intérêts personnels... néanmoins, tout cela est traité très gentiment.
Si Open Range ne marquera pas les esprits, n’en déplaise à ses têtes d’affiches faisant plus que leur part (Robert Duvall, irréprochable), il subsiste donc un petit western se visionnant sans déplaisir aucun. Mais guère plus.