Arthur Hamilton est un homme ayant la quarantaine, menant une vie normale, à l'exception près qu'il reçoit un jour un appel surprenant, venant d'un ancien ami que tout le monde croyait mort, et qui lui propose de changer de vie : intrigué, il pousse ses recherches, et atterrit entre les mains d'une organisation complète, fonctionnant au bouche-à-bouche, lui faisant effectivement miroiter d'avoir la vie dont il a toujours rêvé... Sur cette base de départ, d'une portée cathartique - qui n'a jamais rêvé, une fois atteint un certain âge, d'avoir une deuxième chance dans la vie, de se demander comment aurait pu se dérouler notre vie ? -, Frankenheimer construit une oeuvre sombre, presque déprimante, traitant avec une certaine délicatesse fictionnelle de la crise de la quarantaine, mais nullement de comment en sortir. A mi-chemin entre le thriller paranoïaque, la science-fiction, le neo-noir psychédélique et (dans une certaine mesure) le film d'horreur, Seconds est un film étonnamment prenant, en partie grâce à l'alchimie entre un scénario efficace et une mise en scène audacieuse. Il n'y a qu'à voir la scène liminaire du film dans la gare, sans dialogue, usant de nombreux effets - lentilles fish-eye, caméra au ras du sol, plans tordus - pour représenter l'étouffement claustrophobique d'une foule bien trop présente, quasiment palpable derrière l'écran. Le film, dans sa gestion du suspense, a des aspects parfois assez hitchcockiens, avec des révélations là où nous n'en attendions pas forcément, et une caméra ne montrant que ce qu'il est nécessaire de montrer sur le moment.

La structure du film n'est pas forcément sans reproches, et Frankenheimer reconnaissait lui-même qu'on pouvait avoir l'impression d'une disproportion dans la narration. Cela est dû au fait que les différentes étapes attendues ne sont pas bien marquées : le préambule peut avoir l'air long parce qu'il est mélangé avec les péripéties. Qui plus est, une scène décalée comparée au reste de l'oeuvre fait une apparition impromptue, une scène de bacchanales à l'ambiance relativement différente de son avant et de son après, perturbant le spectateur non averti. Cette scène ne gêne nullement l'appréciation du film, qui reste excellent, mais on peut se mettre à rêver au film grandiose qu'aurait pu être un Seconds un peu plus fluide...

Notons un jeu vraiment bon de la part de Rock Hudson, dans la peau du "nouvel" Arthur Hamilton, entièrement crédible dans un rôle pourtant peu facile - anecdote, pour la scène de soirée où Tony Wilson/Arthur Hamilton se murge, Rock Hudson s'est complètement impliqué dans la peau du personnage et a joué également dans un état d'ivresse avancée, pour plus de réalisme... Dans un film centré sur les distorsions (de vie, de visages, de réalité, d'apparences), les acteurs en général font un bon rôle, laissant toujours un doute certain sur leurs connaissances et leurs intentions. Film paranoïaque, dont les gros plans extrêmes sont d'une violence rare dans l'introspection d'une personne, Seconds est un film qui, j'en prends le risque, ne vous laissera pas indifférent, ne serait-ce que pour sa fin perturbante et d'une finesse rare dans son hors-champ.
BiFiBi
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le 23 sept. 2010

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