Une organisation secrète vous propose de changer de visage et vous invente une nouvelle vie. Telle est l'idée de départ de Seconds, titre original bien plus significatif que cette horrible traduction française d'Opération Diabolique, le film totalement déjanté de John Frankenheimer.
Ambiance paranoïaque, prises de vues déformantes sur les visages, le ton est donné dès le départ de ce film qui vire soudain à l'étude de mœurs d'un quinquagénaire looser arrivé au bout du rouleau qui aurait pu être filmée par un John Cassavetes, du genre un homme sous influence.
Quand on lui propose de se réveiller sous les traits de Rock Hudson et de se retrouver immiscé dans l'esprit contre-culture californien dans une villa sur la plage de Malibu, sa vie se retrouve totalement chamboulée. Fini le petit quotidien bien rangé où il fait semblant de croire à sa femme que tout est encore possible.
Après avoir au passage ironisé sur l'absurdité des délires de l'esprit flower power dans une bacchanale endiablée totalement déjantée, une scène saisissante un peu dans l'esprit du Long Goodbye de Robert Altman, Frankenheimer se propose de railler l'idéal du rêve américain dans une progressive descente aux enfers menant tout droit à l'inéluctable ironie du sort.
Très surprenant film qui se retrouve être une sorte de long trip à l'ambiance Kafkaienne dans lequel le héros prend à mesure conscience d'un monde fabriqué de toute piéce dans lequel il faut accepter les règles ou périr.
Dans une ambiance claustro-phobique soutenue par des prises de vue nauséeuses, tout ça accompagné d'une partition désaccordée signée Jerry Goldsmith, Frankenheimer réussit à nous captiver dans une incursion saisissante à la mise en scène endiablée du quotidien d'un homme enfermé dans le corps d'un autre. Le mythe de Faust revisité façon contre-culture.