Variation cauchemardesque et kafkaïenne sur le thème du pacte de Faust, Opération diabolique est à la fois un excellent film fantastique et une critique au vitriol du mythe consumériste américain de la « seconde chance ». Frankenheimer déclarait en 1970 « Je voulais dire que le rêve américain, c’est du vent...Vous êtes ce que vous êtes. Vous devez vivre avec cette idée et l’accepter. Cela ne sert à rien de vouloir rêver que vous changez complètement à l’intérieur de la même société. Au contraire, vous devez apprendre à vivre avec vous-même, à vous accepter tel que vous êtes. Ensuite vous pourrez essayer de progresser et de faire progresser le monde autour de vous, à condition que vous acceptiez votre passé. Si vous éliminez votre passé, vous êtes foutu. Le rêve que caresse le héros est une échappatoire. Vous n’avez pas le droit d’échapper à ce qui vous entoure, à vos responsabilités. Vous ne pouvez pas y échapper, contrairement à ce qu’on vous enseigne en Amérique. Il faut les accepter et essayer de progresser intérieurement (...) Seconds est un film terriblement pessimiste, mais je n’arrive pas du tout à croire au thème de la seconde chance. Ce n’est pas seulement un thème américain, il devient important en France : je lis vos journaux, vos magazines, et là, je crois que vous vous américanisez dangereusement. » (Positif n°122, décembre 1970, entretien avec Michel Ciment et Bertrand Tavernier). Le film est absolument splendide visuellement grâce notamment au travail du célèbre chef opérateur James Wong Howe qui multiplie les angles de prise de vue les plus étranges donnant au film l’aspect d’un cauchemar éveillé. On notera que, dans la scène où Tony retourne chez lui et discute avec son épouse qui, évidemment, ne peut le reconnaître, la mise en scène est au contraire très sobre, ce qui permet une extraordinaire puissance émotionnelle par contraste avec le reste du film. Le film fut un échec cuisant lors de sa sortie en 1966 en raison de son pessimisme et, certainement, de la violence psychologique de la terrifiante scène finale. Un chef-d’œuvre que vous pouvez découvrir sur le site Shadowz dans une très bonne copie.