Les longs-métrages relatifs à la guerre du Viêt Nam sont décidément indispensables : non pas qu’ils constituent un genre divertissant, du moins ne s’agit-il pas uniquement de cela, mais il convient davantage de considérer leur existence à l’aune d’un contexte historique trouble. Un exercice originellement âpre tant le sujet était hautement délicat, marque d’une nation états-unienne à fleur de peau et désillusionnée : le spectre de la défaite et d’un vif traumatisme planait donc à l’envie, tel que l’incarnera une industrie cinématographique rechignant à traiter de la chose.


The Deer Hunter changera la donne trois ans après la fin du conflit, et dans son sillage nombre de productions rendront peu à peu compte de son absurdité horrifique. Outrages s’inscrit dans cette lignée en relatant comment des soldats américains violèrent et assassinèrent une civile préalablement kidnappée : inspiré de faits réels donc, le long-métrage de Brian de Palma promettait une expérience remuante, le théâtre de la jungle Viêt-Nam se prêtant bien au jeu du « manichéisme-zéro » et de la réflexion nuancée.


Il y a aussi ce petit air de Platoon, la rébellion d’Eriksson face à Meserve rappelant la position de Taylor/Elias vis-à-vis de Barnes : mais là où l’essai concluant d’Oliver Stone tenait de l’immersion viscérale, on fait finalement grise mine à mesure qu’Outrages ne succombe à une grossière verve. En ce sens, un décalage dérangeant s’insinue entre la gravité extrême de ce pan historique méconnu et le traitement opéré, De Palma usant de trop grosses ficelles pour aboutir à ses fins.


C’est un peu comme si le long-métrage « surjouait » parfois son sujet, le drame à l’œuvre prenant une dimension boursouflée au gré des exactions de Meserve et compagnie : d’entre toutes, la mise en scène du trépas de la malheureuse virant au grandiloquent le plus complet en est la plus flagrante démonstration. C’est regrettable car il subsiste ci et là de bonnes idées, comme l’introduction héroïque du sergent propice à une future ambigüité, ou même la première « mise à mort » menée en arrière-plan par le fanatique Clark.


Mais à l’image d’une composante matérielle sacrément en retard sur certaines de ses homologues (tel que Platoon), Outrages manque tout bonnement de doigté dans son exécution : investi au point de faire tiquer, l’interprétation de Sean Penn en résume bien le jusqu’au-boutisme peu habile, le candide Eriksson complétant pour sa part une retranscription largement binaire des événements. Et quand bien même l’intrigue tenterait d’habiller son propos avec son intro/outro encadrant le présent cauchemar, l’effet sonne in fine comme facile : pourtant, l’ensemble demeure acceptable, cette subtilité en berne ne virant toute de même pas au sensationnalisme malhonnête.


En résumé, on a déjà vu beaucoup mieux sur le sujet... un peu comme la musique d’Ennio Morricone, ici guère inspiré.

NiERONiMO
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le 13 janv. 2019

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NiERONiMO

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