Un film d'Edouard Baer avec Edouard Baer qui fait du Edouard Baer

Que ce film au format pourtant standard m'a paru long et fatigant, plein de propos creux, de situations absurdes sans être drôles, de vannes lourdingues et répétées, de phrases jetées en l'air hors contexte ! Edouard Baer joue Luigi, un directeur de théâtre nonchalant, qui doit payer sa troupe très vite, et pour cela il doit aller récupérer de l'argent chez une illustre inconnue, en embarquant avec lui sa stagiaire, pourquoi, mystère et boule de gomme, et ce la nuit à travers tout Paris. Rien ne m'a paru cohérent dans ce film, ni touchant, ni crédible. Certains passages dans le théâtre censés donner l'illusion du réel et un accès aux coulisses, avec les personnages déambulant dans les couloirs, font penser à une parodie de l'effet de plan séquence dans Birdman, mais sans en avoir le style ni la consistance. À plusieurs moments les dialogues m'ont fait me sentir très mal à l'aise pour les personnages, le jeu des acteurs n'est globalement pas bon, Edouard Baer cabotine à mort et semble s'écouter parler, être sur scène pour un one man show, aussi n'ai-je pas été surprise quand j'ai découvert lors du générique de fin qu'il était le réalisateur. (J'ai vu ce film à l'occasion d'une séance Cinexpérience.) Tout est caricaturé de façon gênante : le monde du spectacle, les bars parisiens, la banlieue et ses habitants, les mères de famille. Les situations sont stupides :


pièce de théâtre arty underground japonaise où un Michel Galabru presque mutique se fait engueuler pour rien coincé entre un benêt déguisé en gorille et une jeune femme dénudée sous des voilages attachée dans un hamac, irruption chez une sorte de forain pour voler un singe qui se fera renverser par une voiture puis virée de nuit dans un zoo pour tenter d'en trouver un autre, baby-sitting improvisé en trimballant un bébé d'hôtel en PMU...


Le duo que Luigi forme avec sa stagiaire Faeza n'est pas particulièrement intéressant ni attachant, le reste de la troupe devient assez vite anecdotique, les blagues sont à se taper la tête contre le mur de dépit :


le plus gros comique de répétition, par exemple, est basé sur le vendeur de roses pakistanais insistant et sur son physique peu avantageux, et une des boutades les plus appuyées concerne le prénom du compagnon de Faeza, Jean-Bernard. Trop drôle d'entendre pendant deux bonnes minutes Edouard Baer s'esclaffer "Jean-Bernard, mais comme Jean-Bernard ? Vraiment ? Mais on a le droit d'appeler son enfant comme ça, sérieusement ? Aller à l'état civil, et dire "Je vais l'appeler Jean-Bernard", vraiment on peut ?", thème délicieux, fédérateur et très original, non ?


D'une façon générale chaque fois qu'un gag est amorcé il est répété au moins trois ou quatre fois histoire de bien marquer le coup,


par exemple pour faire remarquer qu'un des gars de l'équipe mange tous les soirs du hachis parmentier surgelé. Si je me souviens bien non seulement la phrase a été répétée plusieurs fois, mais aussi morcelée, "du hachis parmentier", "surgelé", "tous les soirs", waouh quelle marrade absolue ! Dans une scène où Luigi et Faeza sont dans un bar un type raconte une blague à cette dernière, qu'elle ne trouve pas drôle, aussi entreprend-il de la lui expliquer ; quand il faut rire et pourquoi c'est drôle, un peu comme mon père, peut-être un peu comme le vôtre aussi sait-on jamais.


(Après coup je prends ce passage comme la clef de ce film, comme un mode d'emploi méta-filmique, une référence pleine d'autodérision et d'humilité... Mais je sens bien que je me fourvoie et que j'essaie de trouver des excuses au film parce que dans l'absolu j'aime mieux dire du bien que du mal.)
Soit je suis trop critique, soit je suis une vieille bique, soit j'ai dû rater un truc, je ne sais pas, mais vraiment tout cela m'a paru bien insipide et pesant. Audrey Tautou n'est pas trop mauvaise, elle sauve un peu les meubles, mais bon, à la hauteur du personnage qui lui a été attribué, donc rien d'extraordinaire non plus. (Le singe est acceptable aussi à la limite.) On va dire que le point attribué à ce film revient aux loups que l'on peut voir pendant quatre secondes dans la séquence du zoo, allez. Je suis restée en marge du film du début à la fin, trouvant l'ensemble très superficiel et inintéressant, fort dispensable. Je pense qu'il n'enthousiasmera que les inconditionnels d'Edouard Baer pas trop regardants ni objectifs.

Meowsotis
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le 6 janv. 2017

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