Avec Ouvre les Yeux, Alejandro Amenábar a l’intention de nous perdre dans un labyrinthe où rêve et réalité se mêlent et s’emmêlent, au point de tisser, à force de retournements dramatiques, un ensemble compact dont nous ne pouvons que ressortir chamboulés. Pas de chance pour nous, donc, car le voyage proposé ici ne s’apparente jamais au brouillage promis, mais tend à correspondre à un exercice de style guère maîtrisé d’un artiste petit-malin. De Don Juan à Frankenstein, le film échoue à dépasser les caricatures qu’il met en place – notre héros est l’incarnation du fils à papa embourgeoisé et beau garçon –, conjugue démonstrations pompeuses et emboîtement calamiteux des niveaux que de la réalisation, tout aussi balourde, évacue de son mystère intrinsèque. La tension croît au cours d’un premier segment efficace, mais une fois l’accident arrivé s’enchaînent les scènes sans que l’énigme ne s’en trouve nourrie, si bien que le spectateur s’ennuie devant un spectacle peu attrayant et que de bons acteurs (Penélope Cruz est, une fois de plus, délicieuse) ne parviennent à sauver. Ouvre les Yeux constitue donc un challenge inscrit dans son titre même : résister à l’inévitable envie de clore les paupières pour s’enfoncer dans un sommeil réparateur.