Oxygène
5.8
Oxygène

Film de Alexandre Aja (2021)

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Belle surprise de l'été 2019, Crawl était une offrande à un spectateur en mal de sensations fortes et un pur exercice de style transformé par Alexandre Aja. Le cinéaste hexagonal contournait les difficultés d'une série B modeste (budget de 17 millions de dollars) en misant essentiellement sur un jeu de panique à domicile, transformant le cocon familial en piège à rat sur plusieurs étages. Le succès critique et public en poche, Aja décide de pousser le bouchon encore plus loin avec un autre film-concept.
Oxygène limite son décor à un caisson cryogénique et un seul personnage comme relais, alors que le danger est aussi prégnant que mystérieux. D'aucuns diraient que niveau contrainte on est un cran au dessus de la précédente chasse à l'alligator et c'est vrai. Tant mieux puisque visiblement c'est dans un bocal on ne peut plus exigu que le français se sent comme un poisson dans l'eau. Contrairement à ce qu'induit sa nature de thriller S.F en huis-clos, la caméra est constamment sur le qui-vive, fourmillant d'idées pour traduire l'étourdissement, la panique et l'enfermement que subit l'héroïne (Mélanie Laurent, très convaincante). Par un simple panoramique continu, le jeu sur les perspectives étriquées ou un cadre resserré sur le visage d'une souris humaine perdue dans un labyrinthe mental. Souvenirs, informations ou interactions deviennent autant de moyens de libération potentiels que de verrous supplémentaires à ce sarcophage technologique. L'effet d'oppression est percutant (imaginez un mix entre Gravity et Memento) , je n'ose imaginer les sueurs froides qu'un tel dispositif aurait créé sur grand écran.
Oxygène se montre moins assuré quand il faut développer son univers puisqu'il substitue une narration basique à l'aspect sensoriel qui fonctionne à plein tube. Les rebondissements sans être trop prévisibles sont parfois appuyés lourdement. Les indices et fausses pistes ont beau se multiplier, le territoire est assez banal sur le long terme. Le fait d'expliciter certaines choses ont tendance à amoindrir leur force, ce qui est dommage car plusieurs retournements prêtaient le flanc à une vraie surprise. Comme pour Crawl, Aja est apparemment moins à l'aise quand le récit emprunte une voie plus terre-à-terre. Il était a contrario plus inspiré (et proche d'un The Guilty par exemple) dans sa première heure, en jouant des ambigüités sur les échanges entre Mélanie Laurent et son formidable casting vocal (Éric Herson-Macarel, Mathieu Amalric ou Cathy Cerda). Toujours plus aisé de poser les questions que d'y répondre.
Ces anicroches laissées de côté, on est pas loin de rester près de 100 minutes en apnée. La mise en scène inventive ne laisse presque aucun moment de répit, attisant la curiosité sur ce que pourrait être le prochain défi de son chef d'orchestre. Si je vois mal comment il pourrait se rajouter encore plus de barrières, il serait intéressant de le retrouver avec un projet à contre-courant de ses expérimentations en lieu clos. Quelque chose me dit qu'il n'a pas l'intention de nous déconfiner de sitôt. Pour le coup, ça me va plutôt bien.

ConFuCkamuS
7
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le 12 mai 2021

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ConFuCkamuS

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