Comment sortir du ciné à la fois énervé et inquiet

Bon, c'est sans doute une note coup de gueule plus d'autre chose, mais elle se justifie pour 3 raisons, corrélées les unes aux autres :
- Ça m'énerve de penser que c'est le réalisateur du Labyrinthe de Pan qui a osé pondre ce truc ;
- Je suis étonné et navré du bon accueil qu'il a obtenu après des critiques, jusque dans les Cahiers du cinéma (attention, ce n'est pas ma référence, mais c'était assez marquant pour être remarqué) ;
- Au risque de plagier Karim Debbache (je l'ai pas attendu pour penser ça), tous les défauts d'un film ne peuvent se justifier pour la simple raison qu'il s'agit d'un film pour les enfants. Pour plus de précisions à ce sujet, je vous invite à regarder la chronique vidéo Crossed sur Street Fighter.

J'ai commencé à grincer des dents des les premières minutes du film. C'est rarement bon signe quand le prologue s'étale autant et ne tient qu'à une voix off qui nous explique tout de la manière la plus explicite du monde. Moins cinématographique, tu meurs. À se demander à quoi sert la caméra et tout ce qui suit, je me serai volontiers contenté d'un tract avec le prologue écrit dessus.
Puis vient enfin l'histoire en elle-même et... l'incapacité de dire quoique ce soit de positif, tant on navigue entre les clichés les plus grossiers, les trames narratives les moins travaillées du monde.

Franchement, l'idée de base me plaisait bien. Le fait de devoir être deux pour commander les robots, avec ce que ça implique de connexion avec l'autre, l'atmosphère post-apocalyptique qui pointe le bout de son nez... Un réel potentiel, mais que je trouve gâché automatiquement.

Tout d'abord, les décors et les effets spéciaux. Ça fait quelques années maintenant qu'on est capable de ce genre de prouesses numériques et ce film ne sort pas du lot, loin de là. Je préfère encore Transformers à choisir. Mais plus grave, l'équipe n'en profite même pas pour faire un monde cohérent, ils ne vont pas au bout de leurs idées, peut-être par pure fainéantise. Un détail qui m'a particulièrement frappé est la modélisation des panneaux de contrôle en hologrammes employés dans le QG. Vu qu'ils sont dans un bon dixième des plans en mode "T'as vu, on fait des trucs que même qu'en vrai ça existe pas, c'est ça la magie du cinéma !!!", forcément, faut que ce soit bien fait. Et le coup de projeter les 3 couleurs primaires pour composer un écran "complet", très sympa... sauf si on est flemmard, que toutes les couleurs sot déjà dans les 3 hologrammes primaires, ce qui réduit l'effet spécial à un brouillon tape-à-l'œil qui ne va pas au bout de ses idées.

Ensuite, le montage et mixage sonore. Flirtant quelques fois avec le seuil de douleur, l'univers sonore est à l'image de l'image (bon, je garde cet effet involontaire, il ne me déplait pas ^^) : grossier, lourdingue et incohérent. La surexploitation des basses, comme le cinéma américain a tendance à le faire depuis ces 10 dernières années, n'est pas franchement de mon goût. Au-delà de ce soucis esthétique général, il faudra m'expliquer depuis quand des voitures vides et éteintes klaxonnent lorsqu'elles tombent dans le vide. Les alarme anti-vol, passe encore, mais là, ils ont clairement pioché dans la boite à sons qui "pètent grave", sans réfléchir au contenu et sans prendre la peine de les mixer et affiner pour les spatialiser. Mettre des bruitages bruts et reconnaissables entre 1000, ça ne marche pas et ça fait cheap (un comble vu le budget de cette production), un spectateur un tant soit peu attentif se souvient avoir entendu ces bruitages dans la moitié des films et séries. Dans Super 8, ce défaut devient une qualité car c'est un film à hommage, une série d'œillades volontaires et assumées, comme à chaque fois qu'on entend le très célèbre Cri Wilhelm par exemple. Mais ici, rien de tout ça.

L'humour et la caractérisation des personnages après. Les deux sont totalement réduits à néant. Ils se sont contenté de placer les recettes ancestrales, sans même les customiser un minimum : le chien laid pour le côté sympathique (Beethoven, coucou !), la fille asiatique brune avec la raie bleue futuriste (Cloud Atlas... et autres... coucou !)... Et que dire des russes et des trois chinois basketteurs, dont la caricature bien à l'américaine sent le mauvais goût. Je ne trouve pas même que ces clichés soient assumés d'une quelconque manière. Le ton reste froid, aucune dérision n'est portée sur ce qui aurait pu être de jolis traits d'humour, mais n'ajoute qu'un élément supplémentaire au marasme ambiant. Autant de preuve que rien n'a été créé avec un minimum de réflexion.

Au moins, le film garde là une certaine homogénéité dans la qualité générale de son écriture, puisque dans son ensemble il souffre d'une simplicité qui en devient démesurément lourde. Pourquoi ne pas avoir développé un peu plus la sélection du (de la) partenaire du protagoniste par exemple ? Ça aurait évité de transformer les scènes de combats en épisodes de Power Rangers et on aurait peut-être eu le droit à quelque chose de plus intéressant que cette navrante épreuve de combat. Pour rappel, voici les résultats des duels : 3-0 ; 3-1 ; 3-2... Qui me propose quelque chose de plus linéaire et attendu ? Et là encore, ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Enfin, la chose qui me perturbe le plus est cette manie de prendre les spectateurs non pas pour des enfants, mais pour de profonds abrutis, à qui il faut asséner trois fois la même information pour qu'ils l'entendent... Souvent mot pour mot. Et je suis d'autant plus inquiet que j'entends peu de personnes s'en alarmer, ou alors en se contentant de désamorcer la situation en plaidant pour le "film fait pour les enfants" (j'en reviens à Crossed et l'épisode sur Street Fighter). Le cerveau est capable de retenir beaucoup de choses en deux heures, et c'est au cinéaste d'être assez fin pour mettre en avant les informations importantes pour qu'elles priment sur le flot d'action d'un film : c'est là l'enjeu principal du découpage. Pas la peine de se répéter, sauf pour faire ensuite résonner une même information dans un contexte différent ou en appuyer l'impact dramaturgique. Mais si on commence à accepter que la structure d'un film comme celui-ci soit la norme, on dira bientôt que Rambo est un film hautement intellectuel et abordable qu'aux Bac+5.

En clair, pour toutes ces raisons et tant d'autres (je n'ai pas parlé de la musique...), bien qu'il y ait quelques scènes assez plaisantes et de beaux effets (sans plus), je trouve ce film non seulement mauvais, mais aussi évocateur d'une tendance que je trouve des plus dangereuses et qui dépasse le simple domaine du cinéma.
Galderon
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le 7 sept. 2013

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Galderon

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