La plus grande qualité du premier Pacific Rim, c'était indubitablement la constance (et la prétention mal placée) avec laquelle il ratait tout ce qu'il entreprenait. Non content de ne rien comprendre à la substantifique moelle (nous écrirons ici : au châssis en titane) du sujet auquel il prétendait « rendre hommage », réduisant le genre « Super Robot » à un simple spectacle régressif de tatannage de Megazord et de patatage d'immeubles, il se complaisait dans un premier degré embarrassant et un sérieux inversement proportionnel à la qualité d'un scénario level Sharknado, alignant sans rougir une galerie de caricatures toutes droit sorties d'un album Panini GI Joe, avec l'application d'un collectionneur en culottes courtes. A cela s'ajoutait des robots et des monstres d'une rare laideur, dont la pluie, la nuit et les néons tentaient de masquer l'infantilisme.


En somme : tout ce qui était préconisé dans l'ouvrage de référence intitulé « Les Robots Géants pour les Nuls » (Michael Bay, PUF éditions).


Sauf que bon, c'est Guillermo alors faut pas toucher, tu penses, ce mec est un génie, ce n'est donc pas le film qui est mauvais, c'est juste que tu n'as pas compris parce que t'y connais rien au Grand Cinéma. CQFD t'as vu. Allez hop, la critique : pouce vers le bas et puis c'est marre. Inrock' d'or. Superstar Télérama. TGC de l'art.


Débarque Pacific Rim 2 cinq ans plus tard, avec les tambours et trompettes d'une bande annonce nanardeuse façon West Coast (on vous a reconnu, The Asylum !), des robots encore plus moches, des kaijus encore plus hideux (mais pas dans le bon sens du terme, comme si le directeur artistique avait volé les croquis de préprod ratés du premier Monster Hunter), et même pas Guillermo à la caméra pour servir de caution arty.


Autant dire que même le Titanic il avait plus de chance de flotter jusqu'à sa destination, sans rien risquer de plus tragique qu'une pénurie de petits fours à mi parcours.


Pour m'éviter de tels désagréments, en prévision du visionnage, j'avais acheté un stock gargantuesque de Pop Corn et de Guronzan, et pas mal de kleenex aussi pour essuyer mes larmes de rire ou de consternation (et souvent des deux à la fois). C'est dire si j'étais paré à dériver en symbiose avec moi-même, comme pour Independance Day 2 mais sans Jeff Goldblum.


Sauf que Pacific Rim 2 n'a pas la politesse dudit ID4-2, ni celle de son aîné.


Dès le prologue du film, avec une nonchalance de dilettante, il balance plus de bonnes idées (non exploitées, faut pas exagérer non plus) que tout le premier opus réuni – ce qui n'a rien d'un exploit, certes, mais place d'emblée le spectateur dans de bienveillantes dispositions, pour peu qu'il ait une once de recul critique sur ce qu'il regarde. Contre toutes attentes, le monde post « Kaiju Wars » a un profil à la Gareth Edwards, un rien de désenchantement qui tranche d'emblée avec la lissitude Cartoon Network du film originel, à grand renfort de ruines à l'abandon, de jeunesse paumée, de militants pro-bestioles (Twitter, on t'a reconnu), de Jaeger faits main et de squelettes dans le placard (mais pas que). Il y aurait tout un vrai film à faire là-dessus. Tout un grand film. Mais ce ne sera pas pour cette fois car déjà, les caricatures reprennent le contrôle, avec John Boyega dans le rôle de Will Smith, et Eastwood junior dans le rôle de Random Mâle Hétéro Américain Cis-Genre #31238. Bah oui. Faut être raccord avec le premier, quand même, sinon on risque de perdre le fan.


C'est finalement là le seul vrai gros point faible de cette sympathique série B, au fond (abstraction faite de ses Transformers en mousse et de ses dino-predators en polystyrène) : son héritage filmique. Son ADN créatif.
Son titre en 4 par 3.
Pacific Rim.


2.


On sent que ça lui pèse. On sent que ça l'encombre. On sent qu'il aimerait bien envoyer tout ça par mille mètres de fond, et comme on le comprend ! De la même façon qu'on choisit ses copains, mais pas sa famille, on le sent constamment écartelé entre ce qu'il veut et ce qu'il doit être, exploitant la moindre brèche, la moindre faille pour contourner ces attendus pesants, ne manquant jamais une occasion, même furtive, de mettre de la distance entre lui et ce honteux patrimoine génétique.


Exit le premier degré naïf et malaisant, les nuits de tempêtes pour faire genre et noyer le kaiju : Pacific Rim 2 s'assume au grand jour pour ce qu'il est, il ne se planque pas derrière un jargon scientifique d'une ringardise à bouffer du manuel scolaire de Techno niveau 4ème, ou derrière une cinégénie complètement hors propos dans un contexte si régressif (malgré quelques jolis plans sur le démarrage, ceci étant).


Exit les histoires abracadabrantesques de Mur (facepalm, vous avez dit facepalm ?) et les calculs idiots sur tableau noir, l'ère est aux multinationales occultes, aux lobbies financiers et aux drones automatisés.


Exit le scénario-prétexte linéaire en noir et blanc (toutes proportions gardées) : le film s'offre même le luxe de quelques twists 100% fonctionnels. Et pour cause : ce qu'on aurait vu arriver à quinze mille bornes dans un cadre plus... disons... respectable... parvient ici à prendre le spectateur de court, et c'est un tour de force que l'on doit saluer.


Même les personnages, tout clichés qu'ils sont, cabotinent un cran au-dessus : fondamentale, la scène des retrouvailles entre les scientifiques zinzins ne met que plus en relief le fossé entre les deux films sur ce plan-là, confrontant à l'écran un protagoniste identique à ce qu'il était cinq ans plus tôt, et un protagoniste réécrit pour l'épisode 2. L'écart qualitatif est sans appel, et chaque apparition de Burn Gorwan a l'écran n'en est que plus douloureuse (dieu sait pourtant qu'on l'aimait dans Torchwood). La première discussion entre Gottlieb et Newt peut d'ailleurs être lue comme un dialogue entre Pacific Rim premier du nom (Gottlieb, donc) et son successeur (Newt), comme si ces deux personnages en étaient les incarnations respectives, véritable mise en abyme du présent long métrage, de ses aspirations et des limites qui lui ont été imposées.


Car finalement, tant qu'il est libre de faire ce qu'il désire, ce blockbuster US dans la moyenne est relativement bien troussé, et connaît mieux ses gammes que son prédécesseur. Sa première moitié ose aller jusqu'à lorgner du côté de Patlabor (les films) et de The End of Evangelion, d'une façon infiniment moins pataude et ramenarde que les Biomaneries 8 ans d'âge mental de Del Toro.


C'est finalement quand le cahier décharge finit par rattraper le script et quand les Kaijus repoppent à l'écran que le divertissement retombe dans les travers de la resucée ennuyeuse, impersonnelle, sans moments mémorables ni waow effect, confirmant ainsi notre intuition première : le seul vrai gros défaut de Pacific Rim 2, c'est Pacific Rim 1.


Et les innombrables casseroles (analogiques nucléaires) qui vont avec.

Liehd
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le 7 août 2018

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