Si l’épice éponyme se saupoudre, Paprika n’est pas aussi tendre au premier visionnage : je m’y serai en ce sens cassé les dents, non sans enthousiasme, mais il faut convenir que l’originalité sans borne de ce petit bijou d’animation japonaise était alors indomptable. Car par-delà une signature graphiquement incroyable, l’œuvre de Satoshi Kon n’est guère lisible de prime abord, son intrigue sens dessus-dessous épousant de fait sans retenue aucune un pan onirique des plus prédominants.
Un gage de singularité indéniable, mais une expérience nous laissant pantois : quel était le pourquoi du comment ? Si l’on pourrait alors lorgner du côté de Inception, moins déluré mais s’étant bien inspiré du délire made-in-Paprika (Nolan ne s’en cachera pas, fort heureusement), une seconde lecture offre finalement un semblant de clé : à savoir de changer totalement de perspective.
Non pas qu’il faille parler de tort, mais le spectateur n’a pas pour intérêt de chercher à démêler pareil sac de nœud psychédélique, au risque de passer à côté de l’idée pétillante animant les prétentions ostentatoires de ce beau bazar : à l’image d’une essence thriller aux confins de l’intangible, Paprika se drape tout du long d’atours fantasmagoriques afin de servir non pas un récit d’enquête... mais un récit thérapeutique. Chose que fera de manière plus frontale (le terme ne vaut qu’à titre de comparaison) Inception donc, son modèle oriental se veut jusqu’au-boutiste dans son exécution mais non moins ambiguë, le spectateur étant d’emblée bien en peine de discerner le songe de la réalité.
Cela tombe bien, car en changeant justement de perspective, celui-ci est à même de s’émanciper d’un carcan logique n’ayant ici pas de sens : en effet, l’objet de Paprika pourrait être de mener Konakawa sur le chemin de la guérison au gré d’un rêve long de quatre-vingt-dix minutes, et nous avec, rien ne nous garantissant que le personnage ne côtoie la réalité durant ce laps de temps. Certes, cela n’est que pure spéculation et l’on pourrait trouver à y redire, le fait de réduire l’intrigue à une unique figure se confrontant aux angles de vue accordés exclusivement à d’autres protagonistes (Chiba surtout), mais passons.
Pour autant, qu’il s’agisse d’un tel ou d’une telle, l’hypothèse demeure valable à l’aune d’une lecture purement chimérique. Paprika nous en met plein les yeux, au détour d’une démonstration technique ahurissante, mais sans se départager d’un fond peu à peu remuant : transpirant un amour infini pour le cinéma dont il est à la fois la création et le créateur, Paprika liera l’hommage clinquant comme subtil à la quête d’une paix intérieure touchante, ces deux tangentes s’entrecroisant pour ne faire finalement plus qu’une au terme d’un dénouement démentiel.
Si l’adoration se veut délicate, car freinée par une atmosphère hors-norme et un casse-tête chinois scénaristique, gageons donc que Paprika mérite bien des louanges.