Etant fidèle d'un mag' cinéma depuis 13 ans (coucou Mad Movies), c'est grâce à lui que j'ai découvert le nom d'Alain Jessua. Paradis pour tous est le premier de ses films que je regarde, et je me dis que c'est le début d'une longue aventure.


Racontée en flash-back depuis une chaise roulante aussi luxueuse que la villa où évolue son occupant, l'histoire est celle d'Alain Durieux, employé dépressif d'une compagnie d'assurance qui, après un suicide raté dont il ressort sans une égratignure (voulant sauter du toit de son lieu de travail, il reste coincé dans l'enseigne lumineuse de la compagnie un étage plus bas !), accepte de participer à une expérience avant-gardiste : être "flashé". Soit une opération indolore qui le privera de ressentir la moindre émotion négative : colère, jalousie, tristesse, etc... Alain est désormais heureux. En permanence. D'autres suivront son exemple, attirés par la promesse d'une vie sans tourments.


La formule est commode mais il est vraiment difficile de rendre justice à Paradis pour tous en l'espace d'une critique. Décrire chacune de ses idées géniales reviendrait à en diluer l'impact, liées qu'elles sont à l'image par un script et une mise en scène qui font jeu égal. Dans le rôle principal, Patrick Dewaere est miraculeux de drôlerie, de naturel et d'indifférence polie. Attentif aux sous-entendus, Alain Jessua, réalisateur mais aussi scénariste et dialoguiste du long-métrage, n'en rate pas une pour croquer avec un humour ravageur les contradictions qui agitent sa poignée de personnages rendus fous par une vie morne.


Exorcisant la tragédie par le rire (et inversement), le cinéaste s'avère également un as du montage, faisant parfois d'une association d'idées le ressort comique de situations complètement décalées. Le décalage : voilà ce qui fait vibrer chaque photogramme de ce Paradis pour tous. D'une cruauté hilarante, d'un comique désespérant, l'oeuvre ravit autant qu'elle effraie et interroge (à l'image de cette séquence irrésistible où trois personnages "flashés" se lancent dans un blind test frénétique...portant sur les spots publicitaires du moment). Le tout soutenu par une distribution magistrale, en particulier Jacques Dutronc dans la peau d'un docteur qui se rêve visionnaire


Ce fût le dernier rôle de Patrick Dewaere, l'un de ses plus beaux aussi. Le film lui est d'ailleurs dédié. Vu l'intelligence avec laquelle Paradis pour tous aborde quelques thèmes éternels de l'expression cinématographique (la vie, la mort, l'amour, la haine, le sexe, la quête du bonheur, la déshumanisation...), il ne pouvait rêver plus bel hommage posthume.


Chef-d'oeuvre ? Et comment.

Fritz_the_Cat
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le 4 avr. 2015

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Fritz_the_Cat

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