Steven Soderbergh est probablement l'un des cinéastes américains les plus passionnants de sa génération par sa productivité et son éclectisme. Palmé dès son premier film et trouvant un équilibre financier entre blockbusters et films plus personnels, chaque nouvelle sortie de sa part est gage inattendu. Après une fausse retraite (un passage par le format série) et un retour brillant avec Logan Lucky, relecture redneck mais sans condescendance de sa série Ocean, Paranoïa, tourné en secret avec un iPhone, débarque sur nos écrans.


Dès le départ, on sent que Paranoïa fait plutôt partie de la veine des films modestes de Soderbergh. Décor unique, équipe réduite, tournage au téléphone et acteurs peu connus placent le film à l'opposé de ses gros films hollywoodiens. Mais qui dit film discret à petit budget, dit aussi plus de libertés au tournage. Et c'est toute la force de ce nouveau film que d'avoir réussi à s'approprier autant, par la force de la mise en scène, un scénario venu de l'extérieur.


L'histoire reprend la trame classique du film de folie, à savoir, jouer sur le fait de douter pendant la majeure partie du film sur qui est le fou de qui. Le projet est casse gueule et on l'aurait plutôt imaginé refilé à un faiseur de film de genre (type Eli Roth), mais Soderbergh s'en sort avec succès. Une des clefs de cette réussite est sûrement le côté de plus en plus allumé (au fur et à mesure du film) complètement assumé du film. Ça ne lésine pas sur les effets visuels, et Claire Foy, excellente, (qu'on retrouvera en Lisbeth Salander pour le prochain Millenium) n'hésite pas à en faire des caisses pour jouer la névrose. Paranoïa brille aussi par sa forme avec une texture de l'image très sèche proche du found footage. L'image abimée et les grands angles de la caméra du téléphone sont très cohérents avec l'état mental du personnage. La musique et les couleurs (oppositions entre les jaunes et les bleus) sont aussi magnifiquement travaillés.


N'étant pas qu'un filmeur de star, Soderbergh démontre encore une fois (après Bubble) qu'il est possible de transcender un scénario basique par le souci du détail de mise en scène.

yhi
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le 8 juil. 2018

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